Résolu.
Je ne suis pas un grand partisan du "c'était mieux avant", et pourtant je fantasme un temps où on ne laissait parler que celles et ceux qui avaient des choses constructives à dire. Aujourd'hui, écrire, parler, créer, reviennent à se lancer seul dans une cacophonie. Nous avons laissé croire que tout était bon à exprimer, des grands idéaux aux petites banalités, et le verbiage a remplacé la langue, le brouhaha les batailles d'Hernani. C'est justement Victor Hugo qui m'a porté la larme à l'œil - et a presque poussé ma main à cesser d'écrire.
Je me suis dit :
- Puisque j'ai le moyen d'écrire, pourquoi ne le ferais-je pas ? Mais quoi écrire ? Pris entre quatre murailles de pierre nue et froide, sans liberté pour mes pas, sans horizon pour mes yeux, pour unique distraction machinalement occupé tout le jour à suivre la marche lente de ce carré blanchâtre que le judas de ma porte découpe vis-à-vis sur le mur sombre, et, comme je le disais tout à l'heure, seul à seul avec une idée, une idée de crime et de châtiment, de meurtre et de mort ! est-ce que je puis avoir quelque chose à dire, moi qui n'ai plus rien à faire dans ce monde ? Et que trouverais-je dans ce cerveau flétri et vide qui vaille la peine d'être écrit ? V. Hugo, in Le dernier jour d'un condamné (1829)
La place est prise. Partout, tout le temps, parce que nous avons atteint, peut-être, un état de silence insupportable, qui a poussé à l'expression généralisée. Pour les grands mots, sans doute, ceux qui libéraient des grands tourments de l'Histoire et des petites histoires. Les mots que tous, nous balançons, dans une société qui n'est déjà plus celle du divertissement, mais celle des idées courtes. Parce que la vérité a laissé la place au quart d'heure de célébrité, et la bêtise n'est plus raillée, mais au pouvoir.
Vois-tu, je ne suis pas compétiteur, je ne joue pas à celui qui a la plus grosse parle le plus fort : Je suis davantage adepte de l'épure. De l'idée de but en blanc. De la narration qui épouse. Alors j'écris moins, mais j'écris mieux. Avec le même questionnement que le condamné sur quoi écrire ?, avec une seule nuance : l'éloignement de l'horizon fatal, qu'il soit à Bicêtre ou ailleurs.