Au départ, j'avais écrit à peu près 1500 mots sur le thème des vieux chefs d'entreprise qui pensent que la manière de s'adresser aux clients par mail est la même que celle par courrier (un peu du temps du temps du web 1.5), sur les nécessaires souplesse et finesse des discours au grand public et sur l'incompétence notoire de mon bourru de patron quand il s'agit d'être aimable avec ses équipes, et puis je me suis dit que tu préfèrerais sans doute que je te parle d'autre chose, d'un truc léger, inspiré, passionné.
Du coup, je vais essayer de coller au titre de ce post (et crois-moi, là, je rame, hein).
Tiens, imaginons que l'entreprise soit un Centre Chorégraphique National (je parle de ce que je connais, hein). C'est un truc créé au cours années 80 par le ministère pour dire "Non non mais attends, la danse c'est un truc vachement bien aussi, hein" parce qu'à l'époque, en dehors du théâtre et des écoles municipales de danse, y'avait pas grand chose. La preuve, même Béjart, né français, bossait en Suisse. Non mais en SUISSE quoi. Le pays du chocolat, des montres et du blanchiment d'argent ! Ca craignait. Du coup, l'Etat s'est dit "on va faire en sorte que la danse française soit reconnue comme étant du grand art ... tiens, on n'a qu'à institutionnaliser les compagnies déjà existantes" et paf, ça a fait des CCN. Au départ c'était cool, ils pouvaient faire tout ce qu'ils voulaient, on leur filait des locaux, de l'argent, et une reconnaissance nationale.
Après avoir créé des temples autour des très grands noms de la danse contemporaine, l'Etat a commencé à faire le malin et à les contraindre à s'inscrire dans un projet social local. Paf, des contraintes. Or, tu sais bien, mon petit bouchon cultivé, que dès que tu mets unen contrainte, c'est souvent le début de la fin ... ou pas. Les CCN ont continué à bosser, à s'étoffer, et les chorégraphes qui y étaient ont pas moufté : ils déléguaient les trucs relou. N'empêche, c'était envahissant.
En 1998, l'Etat se rend compte qu'il y a une petite pépite qui échappe à tout ça, et hop, il l'érige CCN. La pépite, c'est Maguy Marin. Elle bosse à Rilleux-la-Pape (elle s'était donc plutôt bien planquée, tel Jean Moulin, pas loin de Lyon)(mais, tel Jean Moulin, elle s'est faite dénoncer)(mais, contrairement à Jean Moulin, Malraux ne dira pas "Entre ici, Maguy Marin" parce qu'il est mort, André)(et c'est pas Frédéric qui relèvera le truc)(il a déjà bien du mal avec Camus ...)(bref). Elle bosse donc à Rilleux, et pouf, Rilleux, 30 000 habitants au compteur, se retrouve avec une MJC et ... un CCN. Maguy, elle se dit qu'elle va être plus maligne que les autres, et continuer à émerveiller le monde. Cela dit, son chef d'oeuvre, May B, entré dans la légende, était derrière elle.
Non, j'y suis allé, y'a pas de danse. Jamais. C'est du théâtre muet. De la scénographie pure. Le mythe Maguy Martin était mort. La chorégraphe a disparu, il ne reste que la mise en scène. Cela dit, le spectacle est assez étonnant. Bouleversant. Remue-tripes. Mais c'est pas de la danse. A se demander si elle aurait pas mieux fait, Maguy, de les respecter un peu, les contraintes.