Quoi c'est ? Tu as sans doute connu ça, à un moment de ta vie. Vouloir faire quelque chose de grand, d'inspiré, d'ambitieux, d'un peu fou, même ... et te faire méchamment doubler. Genre tu voulais peindre ta soeur assise de trois quarts avec un léger sourire énigmatique et bim, tu as appris qu'un certain Léonard de Vinci venait juste de te doubler. Ca craint. Moi, par exemple, je voulais devenir le danseur et amant de Britney Spears, mais je me suis fait piquer la place par Kevin Federline. Plus réalistement, j'avais une super opportunité pour être assistant de prod dans un grand théâtre parisien, et je me suis fait piquer le poste par un camarade de promo. Juste ou pas juste ? C'est pas la question. Mais au final, dans l'histoire de l'humanité, combien de vagues inconnus se seront fait piquer la vedette par un nom resté dans l'histoire ? C'est ça, le syndrome McCormick : à Dublin, en 1976, deux garçons, amis de lycée, décident de monter chacun un groupe de rock : Neil McCormick et Paul Hewson. Dix ans plus tard, Neil McCormick galère toujours quand Paul Hewson est devenu Bono, leader de U2, le plus grand groupe irlandais de tous les temps (et c'est pas les Corrs qui me feront dire le contraire). Se faire méchamment doubler, qu'il disait ? Là, c'est de la lose qui casse la baraque ... et c'est le pitch de Killing Bono, film anglo-irlandais de Nick Hamm, sorti ce mercredi de 2011.
POURQUOI VOIR KILLING BONO ?
1. Parce que l'accent irlandais, c'est chouette.
Avec 80% du film se déroulant en Irlande et une partie du casting elle-même originaire de l'île aux trèfles, il y avait de fortes chances qu'on ne comprenne rien à la VO. On n'est pas tombé très loin du compte : tu ne vas pas reconnaître tes insultes préférées, mais comme l'irlandais, c'est le picard de l'anglais d'Oxford, ben ça reste plutôt délicieux. :) Exemple avec cet extrait, qui résumerait presque la totalité du film...
2. Parce que Ben Barnes.
Mais siiiiii, j'en avais déjà parlé dans cet article sur la new generation d'acteurs britanniques. Alors certes, je ne suis toujours pas allé voir les Narnia (comment peut-on aller voir un film qui s'appelle Gnagna ?) et autres caspianités, non, mais on retrouve notre Ben made in Dorian Gray : sa performance vibrionnante, surexcitée, très précise, est un vrai bonheur dans Killing Bono, qui retrouve dans le personnage de Neil McCormick quelques traits de Trainspotting... et on sait tous ce qu'est devenu Ewan McGregor. Suffit de voir cette scène où, derrière la foule amassée aux pieds de Bono, il est traversé à la fois par la rage meurtrière de tirer la balle qui le rendrait autrement célèbre, et par sa morale, ses souvenirs, son grand cœur un peu beaucoup aveuglé par cette course au succès...
Si quelqu'un veut m'offrir le manteau en cuir qu'il porte à la fin, je suis preneur, sinon.
3. Parce que Robert Sheehan.
Mais siiiiii, m'enfin ! J'en ai parlé dans ce fabuleux article sur les séries british qui déchirent. Brillantissime dans Misfits (même s'il tient le rôle qui agace le plus)(mais c'est justement parce qu'il est excellent qu'il parvient à jouer le mec relou au possible), on attendait un peu Sheehan dans un film avec un vrai rôle difficile à tenir. Sans s'éloigner complètement du personnage de Nathan-de-Misfits, il incarne le jeune frère de Neil, Ivan, que Bono voulait pour son groupe, mais Neil a refusé à sa place, sans lui dire. Le jour où Ivan comprend que, depuis le début, il pourrait être guitariste d'U2 alors qu'il rame depuis 10 ans dans la boue avec (et à cause de) son frère, il n'est plus que colère, rage canalisée, dépit profond, mais il suit son bonhomme de chemin. Sheehan n'est juste qu'à partir de ce moment-là.
Quand on pense que c'est une histoire vraie et que l'actuel Ivan McCormick est musicien pour mariages ...
4. Parce que les dialogues sont extra.
Karl, leur logeur, aux frères McCormick : "A word to the wise from an old man before you go. Remember only this: the measure of a man is what's left when fame falls away... oh, and another thing: get as much sex as you can !"
Et dans un registre plus lolilol, Ivan à Neil : "YOU made the worst decision of MY life !"
Bon, c'est plus dans l'esprit du film qu'il y a des phrases qui claquent. Exemple avec cette scène, où les frangins tentent leur chance dans une maison de disques...
5. Parce que y'a du bon son rock comme on aime.
C'est évidemment du côté de la BO que le film excelle. Quelques rares tubes d'U2, mais tout plein du groupe des frères McCormick qui exista vraiment : les Shook-up. Bon, en fait, les titres ont été composés par Joe Echo, rien à voir avezc les Shook-Up. Oui, c'est ridicule. Mais c'est très très british-like, donc ... on aime quand même. Et puis, il y a l'excellent boulot de Stephen Warbeck, qui recompose toute l'ambiance du film en s'inspirant des tendances musicales des groupes de rock de l'époque. Tu as aimé The boat that rocked ? Tu vas kiffer Killing Bono. Petit lolilol, relatif à la musique : le film se passe en 1976 et Ivan McCormick propose de répéter une chanson des Dire Straits ... qui ne sortiront leur premier disque qu'en 1978. La scène est d'ailleurs pleine d'humour (briton, évidemment) à ce sujet.
Et parce qu'en fait, si le film n'est pas exceptionnel, c'est un bon moment, touchant, drôle, décalé, qui met en valeur la qualité de jeu de Ben Barnes et l'étrange ressemblance entre Martin McCann et Bono.