Il y a des films que la presse encense pour de mauvaises raisons. Ou presque.
Le Concert, film de Radu Mihaileanu, est sorti mercredi sur vos écrans, et en amateur du combo Berléand + classique, je m'y suis précipité.
Diantre. Je savais que c'était une comédie, mais de là à tomber dans le
cliché bas, il y a des limites ...
Quand je parle de clichés, je soulève la somme infernale de petits travers exposés à l'écran. Si je te dis "russe", tu penses à quoi ? Oppression politique, caviar, vodka, alcoolisme,
datcha, magnats du gaz, lobbys économiques, pauvreté, communisme, bandes armées, blondasse, gros accent surjoué ... Et si je te dis "juif" ? Petites arnaques, tziganes, musiciens à la petite
semaine, obsession de l'argent, Israël, petite voix pincée ... Non, là tu vas me dire "Déconne pas, ce sont des clichés énormes, c'est insultant !" Et bien pourtant, il ne manque rien de
tout ça dans le film de Mihaileanu.
Mihaileanu est bulgare. L'URSS et les Juifs sont des sujets dont il a nécessairement
entendu parler, et pour lesquels sa patrie a peut-être même souffert. De là à tout exorciser par ce film, je ne dis pas. C'est une proposition honorable. Mais tout de même, il y a des limites.
Voilà le pitch : Sous Brejnev, l'orchestre du Bolchoï a été purgé de ses musiciens juifs. Le chef d'orchestre, par passion pour le Concerto pour violon et orchestre de
Tchaikovski, a tout fait pour présenter coûte que coûte son oeuvre magistrale avec la seule violoniste qu'il estimait capable de transcender ce morceau ... Léa, une juive. Le concert a été
interrompu en plein milieu par le manager, à la solde du KGB. Le chef d'orchestre a été relégué balayeur au Bolchoï, les autres ont sombré dans la misère. Jusque là, le film est touchant. Un
jour où il nettoie le bureau du directeur du théâtre (30 ans plus tard), l'ex-chef devenu
balayeur intercepte une proposition de concert envoyée par le directeur du Théâtre du Châtelet, à Paris. Pour se venger de son talent sali, il répond en son nom propre et tente de monter un
orchestre capable de jouer Tchaïkovski (et Prokofiev) sur une des scènes les plus prestigieuses du monde : Paris. Sauf que ... tous les musiciens (ou presque) sont des bras cassés. Ils trompent
le Bolchoï, passent la douane, ne répètent pas, se bourrent la gueule à Paname et se présentent sur la scène du Châtelet avant d'interpréter magistralement (grâce à l'aide divine ...) ledit
concerto. Wow. En plus des clichés, ce scénario qui aurait pu être très bon s'il avait été traité sur le ton de la passion pour la musique devient indigeste sur celui de la
comédie. Du mauvais Woody Allen, tout au plus. Mihaileanu a clairement dépassé les bornes.
A côté de ça, une belle intrigue sur les origines familiales se trame, entre le chef d'orchestre, la violoniste française demandée expressément par le premier, et l'impresario de
la seconde. Avec un final dramatique et émouvant, sur fond de goulag et de passion pour la musique, qui éclipse un peu les grosses ficelles exploitées pendant l'heure et quart qui a précédé. Why
not. Une petite finesse du scénario permet d'apprécier encore plus le film ...
Ne crachons pas dans la soupe. Le film compte à peu près 30 minutes
d'excellence. Mais le reste gâche un peu tout le plaisir. Outre la virtuosité de l'interprétation du concerto pour violon et orchestre sur les 20 dernières minutes du film, on peut citer
les quelques passages sur l'âme gagnée par la musique, l'absolue vérité régnant dans l'harmonie parfaite, le Graal de la mise en commun des talents, et la passion brute et sans
concessions pour la musique classique. Pour cela seulement, le film mérite d'être vu. Le seul hic, c'est que tout est noyé dans le flot de clichés cité plus haut. Et que même l'incroyable
interprétation finale est entrecoupée de scènes comiques qui apparaissent comme une violation. L'émotion soulevée par la musique, dans la salle, est palpable. On voit les gens frissonner, les
hommes ont la larme à l'oeil, les femmes frôlent l'orgasme. Et paf, Radu te colle une scène de burlesque des plus déplacées. C'est con.
Sur le casting, rien à redire. Berléand est assez convaincant en directeur du Châtelet. Aleksei Guskov est surprenant de justesse quand il parle de musique. Le rôle de Miou-Miou
(l'impresario), par sa faiblesse, aurait pu être interprété tout aussi bien par n'importe quelle actrice de plus de 50 ans. Et Mélanie Laurent porte parfaitement le personnage de la violoniste
puriste, un peu pimbêche (comme sont souvent ces dames portant leur art au dessus de toute autre valeur existante) ... sa gestuelle à l'instrument est pertinente, autant que son insolence. Pour
l'émotion ... on a vu mieux. Elle peut remercier Tarantino. Au demeurant, la fin la consacre, donc ... pas de bémol. Tous les autres ... ont des rôles ridicules. Autant ne pas les faire figurer
dans leur CV.
Au final, je dirais donc : Mihaileanu est un imbécile. Au vu de Va, vis et deviens, il aurait du faire du Concert un chef d'oeuvre d'émotion, pas une comédie à
clichés. La presse, à la relire, s'est bien gardée de commenter le film en général. Elle s'est contentée d'encenser ces 20 dernières minutes de pur plaisir entâchées de burlesque. Vraiment ...
quelle bêtise.
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