I have a dream...
Invité par l'épouse de son client - incarcéré pour trafic de stup' - à prendre un verre, maître Guerrieri se voit proposer un jeu. Un de ces jeux qui mêlent une certaine forme d'innocence, de simplicité ou d'humilité, un de ces jeux de questions-réponses que les têtes bien faites voient d'un sale oeil parce qu'il les plonge dans d'intenses réflexions, à deux doigts de la philosophie intérieure. Ce jeu : associer un voeu et une couleur. Et voilà ce qui le traverse : "Avouer aux autres et à soi-même ses souhaits - les vrais - est dangereux. S'ils sont réalisables, et ils le sont souvent, les formuler vous oblige à affronter la peur de tenter votre chance. Et donc votre lâcheté. On préfère alors ne pas y penser ou se dire que l'on a des souhaits impossibles, que les adultes ne songent pas à des choses impossibles." (p.97-98)
Ce qui m'a fasciné, à la lecture du Les raisons du doute de Gianrico Carofiglio (2006), c'est l'intelligence. Non seulement l'intelligence de l'écriture, Guerrieri étant narrateur, nous suivons ses pensées, ses conversations, ses regards, ce à quoi il est attentif et comme il s'en sert ; non, c'est aussi l'intelligence de la trame - non que l'histoire soit particulièrement palpitante dans les faits, mais elle tient le lecteur en haleine, entre dilemmes intérieurs et cour de justice - et dans la façon claire et naturelle dont Carofiglio la déroule peu à peu ; c'est, enfin, dans l'intelligence de ce personnage, Guido Guerrieri, avocat au coeur entre deux histoires, à la tête entre deux problèmes, raccrochant à tout ça des pensées à portée philosopho-psychologiques aussi élaborées que faciles à suivre. Non, je te dis : c'est aussi brillant que la phrase précédente est longue.
Se déroulant dans le Bari d'aujourd'hui, truffé de références qui rendent ce personnage sympathique (il est obsédé par le Boulevard of broken dreams de Green Day !), le polar de Carofiglio (magistrat, auteur, politicien barese) est ample, agréable, et sans aucun doute merveilleusement traduit (chapeau bas, Miss Nathalie Bauer). Il en résulte une chose, au moins une : l'envie de lire d'autre aventures de ce Guerrieri. Par chance, il y en a trois : Témoin involontaire (2002), Les yeux fermés (2003) et Le silence pour preuve (2010). Une petite saga que je te recommande chaudement.