Chère Nathalie,
"La sécurité, la première des libertés"
Edifiant. La sécurité est à la fois ton premier point et, donc, ta "première liberté".
Parce que tu es une vraie fille de la droite historique (contrairement à ton arrière-grand-papy, co-fondateur du PCF), de cette droite qui ne cesse d'agiter l'étendard de la violence en période électorale, tu te devais - et l'on n'est pas déçus - de mettre la sécurité en top priorité. Jouer sur la peur, comme d'habitude, dans un système de pensée manichéen où on vous veut du mal. Pas déçus, et pourtant, moi, je reste un peu triste : je te pensais différente, ambitieuse certes, mais surtout prête à en découdre pour changer les choses, notamment en termes de politique urbaine... Mais non. Tant pis.
En vérité, Nathalie, "la sécurité, première des libertés" ne montre qu'une chose : tu n'es pas originale ou courageuse, non, tu n'as qu'une petite tête toute remplie d'ambition parmi tant d'autres. La meilleure preuve était que tu t'es lancée dans la campagne pour la Mairie de Paris sans programme, juste pour l'ivresse du pouvoir. C'est triste. "L'ambition est la mort de la pensée.", disait Wittgenstein. C'était donc ça.
Mais passons la démarche, voyons l'idée. Faire de la sécurité la première des libertés, c'est un non-sens. La sécurité n'est pas une liberté, elle est un environnement psychique pour la liberté. Tu veux que les gens se sentent en sécurité ? Ils se sentiraient plus en sécurité s'ils savaient se défendre, pas parce que Batman - ou la police de proximité, comme tu préfères - veille sur eux. De plus, la première des libertés, on l'apprend en philosophie en terminale, c'est celle du choix éclairé, du libre-arbitre. Comme tu as l'air de l'avoir oublié, voici un rappel rapide et pas trop compliqué.
Mais tu me diras "Oh, ça va, c'est juste une phrase d'accroche". De la com', on est d'accord. Voyons tes propositions.
1. Fais gaffe à ta syntaxe, ça change le sens. Sans compter les fautes d'orthographe (entraîner) et de frappe.
2. Ben oui, toi qui n'es pas élue de Paris, tu le sais mieux que ceux qui y sont, que Paris a d'autres leviers, hein, pas vrai ?
3. Qu'est-ce qui est détourné ? Les moyens d'actions ou les habitants ? C'est pas du bon français, ça. T'as tes papiers ? Ahah, je plaisante, j'suis pas Hortefeux.
4. Ouhhh, vilains social-écolos qui touchent au "tout voiture" si cher à la droite !
5. "Quand le chat n'est pas là, les souris dansent." Voilà le résumé de ta politique de sécurité.
Voyons tes autres points.
Plus de vidéosurveillance : "La vidéoprotection a fait ses preuves : elle a un effet dissuasif, permet d'identifier les auteurs d'infractions, et facilite l’intervention de la police." Ca veut dire que 1) tu ne sais pas lire les rapports qui prouvent son inefficacité et 2) faudra payer des flics à passer leurs journées à regarder des écrans au lieu de patrouiller sur le terrain (et donc connaître les gens). J'aime pas trop trop.
Expulser les SDF : Plutôt que de les aider à l'intégration, les rejeter. Ca te rappelle quelque chose ? Oui : la politique soci(ét)ale des partis d'extrême. Ca va t'apporter la sympathie des haineux d'extrême droite, ça, c'est bien, tu peux être fière.
Renforcer l'éclairage nocturne : parce que "de nombreuses petites rues sont très peu éclairées la nuit, ce qui favorise les agressions" alors qu'on nous serine qu'elles ont surtout lieu de jour et sur les grands points touristiques... cf ce document (page 28).
Donner accès aux Parisiens aux chiffres de la sécurité : Je les ai trouvés tout seul, sans toi, sur le site de l'Intérieur, qui prouve d'ailleurs de nettes améliorations depuis 2008... Si les Parisiens n'y vont pas d'eux-mêmes, c'est sans doute qu'ils ne veulent pas trop trop en entendre parler. Tu crois pas ?
Un petit rappel, tranquillou.
Un système de sécurité - base de toute politique sécuritaire, comme tu le sais - repose sur 4 points : la prévention, la formation, l'intervention et la répression. Tout ton camp politique excelle sur les deux derniers et néglige les deux premiers. Rassure-toi, la Gauche n'excelle quasiment nulle part, là-dedans. Réjouissons-nous ? Non : tout le monde te dira qu'il faut au contraire tout miser sur les deux premiers, qui sont la vraie seule solution à la disparition de l'insécurité. Travailler en amont pour éviter d'avoir à agir en aval. Tu saisis ? Pour plus d'info : "Politique de sécurité".
Et donc ?
Tu sais, Nathalie, quand tu me parles de sécurité à Paris, j'ai l'impression que tu parles de la sécurité à Marseille (où la droite gouverne depuis 1995, ndlr). "La montée des violences, l'explosion des trafics, l'insalubrité qui ne cesse de gagner du terrain sur la voie publique nourrissent le sentiment d'abandon de la majorité des Parisiens."
Nathalie, t'es mignonne, mais la sécurité, c'est pas la priorité de Paris. Et puis c'est pas avec de la dissuasion (qui est une forme de provocation) et de la répression (qui glorifie les martyrs et encourage les vocations) qu'on diminue la délinquance. La sécurité n'est pas une liberté : elle est une chance parce que les gens sont éduqués.
Dans ses mémoires, Benjamin Franklin disait "Any society that would give up a little liberty to gain a little security will deserve neither and lose both." (Je sais que tu es anglophone bilingue avec un accent gallois, mais je traduis pour ceux qui n'ont pas ton talent et qui voudraient quand même comprendre : Une société qui abandonnerait un peu de liberté au profit d'un peu de sécurité n'en mérite aucune et perdra les deux.)
Sur ce, je vais réfléchir à tes 6 autres "Progrès"...
... et me pencher sur le programme de ta concurrente, Anne Hidalgo, qui devrait être du même niveau, t'en fais pas.
Bises,
SaintLaz