Soulages y met le doigt.
Quel est l'élément déterminant pour que l'on sente bien dans un lieu de culte ? La lumière. Regarde une église romane : son austérité vient de ses petits espaces, de ses petites ouvertures dans des murs épais. Regarde une église gothique : sa puissance vient de ses hautes voûtes, aux murs pourtant d'une apparente délicatesse, tous ouverts de toutes parts qu'ils sont, béants de vitraux qui baignent la nef de... lumière. Petits ou grands, ils dessinent dans l'air des lignes comme divines, de couleurs vibrantes, douceâtres ou un peu lugubres, selon le temps. Le vitrail, élément essentiel de l'ambiance.
Rappelons que l'on a commencé à décorer les vitres pour poursuivre l'oeuvre de transmission initiée par les sculptures et peintures dans l'édifice : raconter les Ecritures en utilisant la lumière. J'en étais donc resté là : Jésus, Marie et tous leurs amis dans les folles aventures pleines de symboles, de messages de paix, d'humilité, de responsabilité (et quand même un peu d'intolérance).
Art superbe, art délicat, donc art coûteux. C'est ainsi que je m'expliquais certains vitraux peu ornementés - simples lignes, peu de couleurs, renoncement au figuratif... A l'exemple de la cathédrale de Cologne.
Mais ça, c'était avant.
Avant de saisir qu'il s'agit non d'un comblement de vide par une expression simple - mais originale -, mais bien d'une création contemporaine. Le vitrail, objet de création contemporaine ?
J'avais ouï dire, dans mon passé de fan de Chagall, de ses travaux pour la cathédrale de Chartres, qui me semblait alors un renouvellement du mariage de la divinité (artistique) avec la divinité (religieuse). Je pensais à une exception, pas à une tendance. C'était donc avant de découvrir l'existance du Père Couturier, théologien, qui entreprit de secouer l'art sacré en France, dans l'entre-deux-guerres. Le type est précurseur de l'intervention de peintres, architectes, sculpteurs, designers et autres couturiers dans les constructions modernes (pas moins de 2000 lieux de culte sont édifiés en France entre 1930 et 1980). Comme Gaudi avait révolutionné le concept d'église avec son éternelle inachevée Sagrada Familia.
Le vitrail comme création contemporaine, c'est tout l'objet de l'exposition présentée depuis le 20 mai dernier à la Cité de l'Architecture (Paris).
Gageure : faire une expo sur des fenêtres dans une salle qui n'en a pas.
A l'aide de cartons, de reproductions, de vidéos, l'expo suit l'histoire du renouveau du vitrail au XXe siècle, loin de l'académisme qui l'a étouffé. Transpositions de tableaux, art semi-figuratif, art abstrait, travail du matériau : tout est bon pour inspirer le croyant, qu'il s'agisse de travaux sobres ou monumentaux, de la discrète chapelle de l'hôpital Bretonneau, dont les 3 petits vitraux figurent l'arbre de vie, à l'étonnante Gedächtniskirche de Berlin, vaste octogone entièrement vitraillé de pavés de verre bleus.
A travers ses batailles (Les Bréseux, Nevers), mais surtout ses édifices et oeuvres marquants (Assy, Metz, Conques,...), l'exposition soulève le voile de la grande richesse du vitrail contemporain... et nous incite à repartir sur les routes pour découvrir cet art contemporain qui n'hésite pas à servir le sacré ; l'exemple de la chapelle de Vence, aux vitraux signés Matisse.
A vos agendas : l'expo n'est ouverte que jusqu'au 21 septembre.
Pour rire un peu : des vitraux geek, c'est possible.
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Et jeter un oeil, au passage, à l'expo reprenant le travail remarquable des étudiants de l'école de Chaillot, qui creuse l'évolution de la ville par l'exemple dans des études graphiques poussées réunissant histoire, géographie, topographie, économie,... Passionnant !