Mise en abîme.
Un film sur la quête impossible, qui devient lui-même une quête impossible tant elle est semée d'embûches, il faut avoir un sens de l'humour solide pour rire de ce que la vie nous fait subir. Car c'est non sans mal que le Don Quichotte de Terry Gilliam a vu le jour : écrit en 1999, tenté en 2000 (avec Jean Rochefort et Johnny Depp) puis en 2008, 2011, 2014, 2016, en vain, faute de moyens, le film est finalement tourné en 2017, avec Jonathan Pryce, acteur fétiche de l'ex-Monty Python, et Adam Driver, qui redéfinit la hype hollywoodienne en jouant aussi bien dans le ciné cérébral (Inside Llewyn Davis, Patterson) ou grand public (Star Wars VII, VIII, IX...). Rien que pour le mal qu'il s'est donné, L'homme qui tua Don Quichotte mérite d'être vu. Une autre raison ? Pour ce que "Don Quichotte", "Adam driver" et "Terry Gilliam" arrivent à faire naître de fantasmes foufous de cinéphiles dans nos esprits ouverts au monde.
De quoi ça parle ? Toby réalise des pubs, mais s'ennuie. Lors d'un tournage en Espagne, il tombe sur une copie de son film de fin d'études : une adaptation de Don Quichotte, de Cervantès. Il décide de retourner dans le village où il l'a tournée, Los Sueños ; il y retrouve quelques uns de ses acteurs, dont son Quichotte, qui n'a semble-t-il pas quitté son personnage. Pris dans le maelstrom qui l'entoure, Toby joue malgré lui le Sancho de fortune de son Quichotte, en quête de nouvelles aventures...
Et c'est bien ? Une fois passé le moment - longuet - de la plongée dans la loufoquerie, qui est autant celle du Quichotte que de Gilliam, l'aventure nous prend, et l'on attend de savoir comment tout ça peut bien terminer, sans bien comprendre l'utilité poétique ou narrative de certaines séquences. Allant toujours plus loin dans la métaphorisation et la mise en abîme, Gilliam rend son film délirant, utilisant tout ce qu'il a sous la main pour perdre son Toby, ses repères, ses souvenirs, et repoussant toujours plus loin notre capacité d'acceptation du grand wtf. Dans les rôles titres, Jonathan Pryce qui donne à son Quichotte une folie douce toujours crédible, proche des vieux lunaires excentriques peuplant l'histoire du cinéma, et Adam Driver, qui porte l'incarnation du spectateur, donne une belle justesse à ce gamin en mal de rêverie, dépassé par l'océan du mythe Quichotte qui le dévore peu à peu. Fou, fou.
Et donc ? Certains se réjouiront de l'immensité du travail d'exégèse qui les attend, entre symboles, messages cachés, et la splendeur pléthorique de la mise en scène. Les autres, qui ne verront le film qu'une fois, se prendront une claque d'ahurissements dont ils ne se remettront pas, avec le risque d'être vote perdus, donc lassés.