Bien sûr, tout le monde vous parlera de Bob Fosse (1927-1960), ses œuvres, sa technique, son écriture, son génie, et qu'avec la mort ce 12 décembre 2020 d'Ann Reinking, qui fut sa muse, c'est Fosse qui meurt une seconde fois. C'est hélas ainsi que l'on traite les grands interprètes féminines : à l'aune de leur pygmalion qui ne peut que récolter seul toutes les lumières.
Pourtant, Reinking ne doit pas tout à Fosse. Elle monte sur scène à Broadway à la fin des années 60, se fait remarquer ici et là, et ne doit ses premiers honneurs (Over here !, 1974), qu'à son travail. Si la figure de Fosse traîne partout sur son travail, cela tient à l'aura du monsieur, sa personnalité ténébreuse et ses danses fluides et nettes, qui ensorcellent publics et critiques : on les retrouve, en partie, dans le travail de Reinking. Oui, il l'a mise en scène dans plusieurs de ses dernières pièces (Pippin' (1972), Chicago (1977), Dancin' (1978)) et dans le sublime film All that jazz (1979), et oui ils furent amants, et oui, elle est surtout connue (et pluri-récompensée) pour avoir remonté les chorégraphies de Chicago en 1996 à la manière de Bob Fosse (qui lui ne le fut pas pour Chicago)... et pourtant, il s'agit bien de ses chorégraphies à elle.
Ainsi, si vous avez vu Chicago sur scène entre 1996 et aujourd'hui, ce sont ses chorégraphies que vous avez vues, fussent-elles inspirées de Bob Fosse (comme tant d'autres spectacles). Et pour cette raison, vous pouvez la regretter.
Reinking dans les grandes œuvres de Fosse - par pur esprit de contradiction.