On avait bien ri, en 2018, lorsque Marc Dubuisson avait sorti Djihad, amour & RTT, BD désopilante au style minimaliste parue chez Delcourt. Le jeune auteur belge y mêlait deux réalités anxiogènes - la vie du bureau et le djihadisme - pour mieux en souligner, avec rigolade, les travers et incohérences : l'humour absurde, on aime.
Aussi, à l'heure des librairies essentielles, est-on ravis de dévorer son dernier bijou paru chez Delcourt, A peu presque, où il imagine des questions d'aujourd'hui posées à des époques où, clairement, elles ne posaient pas : l'humour absurde, encore. Et on ricane.
Le burn out du temps des pyramides, l'intox sur la découverte de l'Amérique ou les grammar nazis chez les samouraïs, Dubuisson s'amuse des décalages, de l'improbable, non sans révéler le poids pris par certains sujets de société dans notre époque que d'aucuns décri(v)ent comme celle de la bien-pensance. Il joue aussi des contre-vérités et anachronismes délicieux, sans qu'il soit nécessaire d'être historien pour les saisir : la datation avant Jésus Christ, les explorateurs et la Terre plate, la start-up napoléonienne, etc. Relations de couple, code du travail, évolution des mœurs, mode, égalité des sexes, culture populaire, petits travers : rien ne lui échappe, et l'on rigole autant de la justesse de la remarque que de ce qu'elle nous inspire - à savoir que non, ce n'était pas mieux avant, on n'avait simplement pas le temps de se poser la question.
Une page par sujet, un dessin minimaliste immédiatement reconnaissable, un voyage dans le temps sobrement indiqué par une date en guise de titre : les 64 pages se dévorent en un rien de temps, tant est si bien que l'on ne regrette qu'une chose : que la BD n'en fasse pas 5 000. L'occasion d'autres tomes ?