Il suffira d'un signe.
Je souligne sans cesse l'indignité d'autrui parce que je traite mon prochain comme moi-même : avec l'exigence acerbe et amère d'un insatisfait face à l'imperfection. Je tolère le reflet dans le miroir comme les tweets : faute de pouvoir dézinguer ce que je vois, je masque l'insupportable sous la fiction, l'extravagance ou la distraction. Passionné d'introspection - on maîtrise mieux ses mauvais côtés si on apprend à les reconnaître - je me réjouissais de dominer mes tempêtes, à la condition d'éviter religieusement tout objet ou propos visant à y creuser, par jeu un soir de fête ou par une bienveillante envie d'un tiers de me guérir de mes maux. Aussi, quand ce team building imposé est arrivé avec l'ambition d'améliorer la communication entre les membres de l'équipe, avec comme moyen la définition de nos profils psychologiques, en groupe, j'ai blêmi. Mode urgence activé. Attention, danger.
Le résultat : un persévérant. A believer.
Un persévérant, en process communication - vous l'aviez compris - c'est un profil qui a des convictions fortes, des principes, et qui veut les répandre. Pour ne pas dire les imposer.
Un persévérant, c'est un engagé, un consciencieux, un moraliste.
Plus j'écoutais la définition du persévérant, en amont des résultats, plus je voyais mes collègues se décomposer : "Ce profil, c'est tout ce qu'on déteste." Et moi, je fondais intérieurement : "Ce profil, c'est tout moi." Un relou, qui veut imposer ses idées. Qui s'écoute parler. Qui s'efface si sa vision n'est pas suivie. Ce regard posé sur moi - par moi comme par les autres, même hypothétiquement - c'est ma hantise.
Et attends, ce n'est pas fini. Je suis un persévérant doublé d'un travaillomane (Thinker), selon le test. Un analyste, qui observe, qui comprend les mécanismes, conçoit dans le détail.
Eûs-je été optimiste, j'aurais valorisé les armes de réussite au travail. Je ne voyais que le hurlement du monstre que j'essayais de cacher et qu'on révélait, lentement, sûrement... Faut-il avoir été habitué à penser contre soi pour en arriver là.
M'en suis-je sorti sans blessure et sans perdre l'estime de mes collègues ? Absolument. Parce que l'exercice a cherché à expliquer, une fois les profils de chacun dévoilés, quelles étaient les forces et faiblesses de chaque profil, et surtout, comment communiquer.
Evidemment, l'exercice n'empêche pas les plans sociaux ou les démissions qui, reconnaissons-le, n'aident pas à communiquer, par la suite. Believer or not.
Photo : LucaDeCrescenzo