Du grand (9e) art.
Si tu n'es "pas très BD", que tu vis dans une grotte ou que tu es guidé.e dans la vie par les oeillères du mainstream, permets-moi de te présenter Quentin Zuttion, que tu aimeras, j'en suis sûr, volume après volume.
Je te passe les détails de sa carrière (que j'aurais pompés sur Wikipédia, de toute façon). Je l'ai découvert avec Toutes les princesses meurent après minuit (éd. Le Lombard, 2022) : autour du livre, on parlait queerness, santé mentale, bienveillance, intelligence, vérité, bref, tout pour donner envie de lire l'objet. Un papa, une maman, deux enfants, et une journée où tout va basculer, les amours au centre du jeu. Le scénario est tendre, mordant, confronté à la brutalité du réel, mais très clair sur les sentiments des personnages. Zuttion brosse ses cases à grands traits, vifs, en tension, mariant les aplats de couleur comme dans une aquarelle. On savoure l'esprit, ça sent la liberté de ton et de pensée. On l'a effectivement dévoré (et le grand jury jeunesse d'Angoulême 2023 l'a bien souligné).
Et là, chef d'oeuvre.
En 2024, il sort Salon de beauté (éd. Dupuis), adaptation du roman du Mexicain Mario Bellatin. Je ne connais pas Bellatin, je ne connais donc pas son roman (je ne connais pas non plus le Mexique, alors tu vois), mais j'apprends qu'il est sujet d'épidémie, de sexualité, de mobilisation, de résistance. De sida sans le dire. La couverture à elle seule attire l'oeil, couleurs d'été, l'eau, le poisson, le garçon : cessons, achetons.
Dans Salon de beauté, Jeshua tient un... salon de beauté, où ses clientes l'adorent. Le soir venu, il devient, avec deux camarades, tapins rebelles et intenses dans la rue, les jardins publics, les bains. Une épidémie commence à sévir. Les garçons, les uns après les autres, sont touchés, et tombent. Parmi les symptômes de la maladie, des taches sur la peau, comme des écailles de poisson, vertes et oranges, lumineuses. Jeshua ferme son salon pour en faire un asile pour recueillir ses amis, atteints, puis tous ceux qui en ont besoin. La chute, lente, le déni, la résistance, la peur, la transformation, l'agonie, la fin : tout est évoqué ; mais aussi la laideur du rejet, la beauté de l'entraide, avec le choix, merveilleux, de faire des signes de la maladie des éléments visuellement beaux. Comme si le sexe, qui les avait induits, ne pouvait le rendre que beaux.
C'est renversant.
Donc c'est important. Lis-le. Et suis Quentin Zuttion.