Le théâtre à la télé : pour ou contre ?
Je vous laisserai trancher. Pour celleux qui vivent loin des théâtres, qui ont la flemme ou qui ne savent pas quoi aller voir, plusieurs chaînes ont le bon goût de proposer des spectacles dans leur éventail replay - remercions donc, notamment arte et France Télévisions.
C'est ainsi qu'un dimanche de flemme, j'ai pu me régaler d'Exit, petite pièces à saynètes sur le suicide assisté - utile dans le débat actuel ? avec le délicieux Benjamin Gauthier - ou revoir Coupures, dont je vous parlais ici, mais surtout découvrir par hasard le travail de François de Brauer, avec Rencontre avec une illuminée. La plateforme l'annonce drôle et performative : moi qui me repais de spectacles d'humoristes, je clique.
Simon est comédien, un peu à la ramasse. On lui demande de lire un texte religieux aux funérailles de son grand-père. Sauf que Simon est non-croyant. Ca le gêne. Le voilà plongé dans ses pensées, auxquelles s'ajoutent les interventions des autres, pour des dialogues sur la spiritualité, la mystique, les convictions... Les autres ?
Simon échange tour à tour avec sa mère, son grand-père, Jésus, des amis, dont plusieurs sont dans les énergies spirituelles - celles des plantes, des pierres, des fumées, des connexions, des anciens - dont Stella, qui les réunit autour d'elle. Cette constellation vient questionner la croyance du non-croyant, qui, au fond, s'interroge lui-même, veut s'assurer de ce qu'il sait, de ce qu'il croit, ce qu'il espère, en réponse à la disparition de ce grand-père. Le sujet est fort et casse-gueule, mais de Brauer en joue sans tabou, maniant la subversion et la provocation avec génie, au service de son propos.
Rompu à l'art de l'impro, le comédien-auteur-metteur en scène s'est écrit (avec Jean-Luc Gaget) une farandole de personnages tutélaires qu'il interprète tous, parfois dans des échanges très brefs qui soulignent la maîtrise de son jeu. Incarnations précises, efficaces, un geste, un ton, une voix, une diction suffisant pour être un personnage, - son grand-père, Stella, Jésus, un inconnu, les chefs scouts, tout le monde. Son cheminement embrasse tout son questionnement - universel - sur l'esprit, la foi, la mort, sans imposer de réponse unique, comme un foisonnement, à l'instar de la centaine de bougies qui lui sert de décor.
Drôle, alors ? Très. Ce n'est pas un spectacle d'humoriste, mais bien du théâtre. Une pièce qui commence et qui se termine, avec un sujet, des personnages, les mêmes tout du long. La performance d'acteur est jubilatoire, l'écriture est maîtrisée, le sujet est cerné, ça change des pièces de boulevard un peu plates portées par des stars qui s'enorgueillissent de peu sur les plateaux télé. Il manque un peu, le François de Brauer, à la télé, d'ailleurs. Mais bon, son frère Pierre a assuré le spectacle dans la Star Ac', et sa soeur Marie fait les belles heures de l'humour absurde sur France Inter. On se gardera donc le plaisir de François sur les planches, où il fait des merveilles.
Rencontre avec une illuminée, à voir sur France Télévisions.