Patrice Martinet est ton ami.
Pas la peine de retourner tes contacts Facebook, il n'y est pas. Et oui, monstre que tu es, il y a des gens qui te veulent du bien et tu ne les demandes même pas sur Facebook. Vilain(e), va. Patrice Martinet, c'est le directeur de Paris Quartiers d'Eté, LE festival qui ne te permet plus de dire que Paris-l'été-c'est-mort. Ca fait 21 ans que c'est plus mort, Paname, l'été.
Dans sa lettre d'amour son édito, Martinet place l'édition 2011 (du 14 juillet au 9 août) sous le signe de l'abolition des frontières, une sorte de monde magique où chacun doit peut ouvrir son coeur pour recevoir l'émotion vendue donnée par les artistes. Théâtre, danse, performance, si tu aimes les arts vivants, tu vas être servi(e). Lis plutôt : "Des barrières à escalader, des filles qui parlent d’amour, Beckett qui parle d’amour, et un duo belge qui parle du reste. Et puis l’Annonciation. Et puis l’Apocalypse. Et enfin, l’Art de la fugue, qui est aussi celui de toujours retomber sur ses pieds : avec la complicité du musée de l’Armée, Paris quartier d’été traverse la Seine pour trouver dans la Cour d’honneur des Invalides son centre de gravité. Gravité, mais aussi légèreté : des idées, de l’audace, du respect et de l’impertinence, de la solennité et de la fantaisie, pour un festival pluridisciplinaire et indiscipliné…" Un amoureux des mots pareil, ça donne envie d'y jeter un coup d'oeil.
La programmation est vaste (150 artistes, 32 lieux dont 11 extra-muros, si tu aimes le dépaysement, 22 programmes, des rencontres, des débats, des trucs intéractifs ...) et je sais que tu te sens déjà perdu(e). Voilà ce que je te recommande :
# Beaucoup de bruit pour rien (Shakespeare) par les 26000 couverts
Ils ont l'air d'être plusieurs responsables de ce spectacle protéiforme : il y a Philippe Péhenn à la mise en scène, un type tout droit sorti de l'école des influences croisées, et Erich Mayer en compositeur de l'ambiance sonore, et Anthony Benjram à la scénographie, qui mêle lumières, projections, installations ... Bref, tu vas en avoir pour ton argent. Le Montfort le présente tel quel : "Autour de cette trame romanesque pleine d’histoires d’amour contrariées, les 26000 déboulonnent le mythe, questionnant toujours avec humour le sens du théâtre dans une adaptation audacieuse, percutante... voire surprenante." Le texte de Shakespeare, tu le connais, mais l'as-tu déjà vu dans cet état là ? Pas sûr. Ils sont 13 sur scène, la compagnie iconoclaste existe depuis 1994, et c'est la première fois qu'ils se frottent au répertoire classique. Miam.
> jusqu'au 6 août (sauf dim et lun), à 21h au théâtre Sylvia Montfort (Paris XVe)
# L'Annonciation et Empty Moves par le Ballet Preljocaj
S'il y a bien un chorégraphe contemporain qu'on ne présente plus tant sa renommée est grande, c'est bien Angelin. Avec L'Annonciation, il parle d'une certaine forme de viol : alors même que Marie apprend qu'elle sera la mère de Dieu-sur-Terre, le processus de fécondation est en cours. Au moment où elle accepte sa mission, l'embryon est déjà là. Sans jamais avoir été ouvert, son corps pur connaît soudain les transformations de la grossesse. L'Ange et la Vierge, un dialogue chorégraphié de 20 minutes qui vaut son pesant de cahouettes. Dans Empty Moves, basé sur une musique de John Cage qui fit un poil scandale en 1977 parce qu'elle déclarait que la musique était abstraction pure, vide de sens, Preljocaj présente un quatuor de gestes sans autres buts que d'être des gestes, il développe une rhétorique du néant pourtant fournie en signifiants : la danse comme langage sans discours. Wow.
> L'Annonciation, les 21 et 22 juillet à l'Eglise St Eustache (Paris Ier), 19h.
> Empty Moves, les 22, 23 et 24 juillet dans la Cour d'Honneur des Invalides (Paris VIIe), 22h.
# Obstacles par la compagnie Trafic de Styles / Sébastien Lefrançois
Sébastien Lefrançois fait partie de ces danseurs hip hop qui érigent leur discipline en art chorégraphique et qui n'hésitent pas à le mâtiner de tendances contemporaines : le résultat est présenté tous les ans à Suresnes Cité Danses, mais comme certains trouvent que "Suresnes ? C'est loin !", Lefrançois parcourt la banlieue et s'offre même la Cour d'Honneur des Invalides. Développant le thème de l'obstacle - et en banlieue, on sait ce que c'est, un obstacle - en s'appuyant sur un support (les barrières de sécurité), Lefrançois livre avec sa troupe un petit manifeste sur la contrainte et la liberté, sur l'imagnaire et le réel, sur l'instant concret et la projection infinie.
> 26-27-28-30 juillet et 2 août, à La Courneuve (26), Bercy Village (27), Nanterre (28), St Denis (30) et aux Invalides (2), 2 séances par jour.
# Roméo et Juliette par le Ballet de Biarritz de Thierry Malandain
Après le hip hop, faisons le grand écart, passons au classique. Parce que Malandain, il fait du classique ... et en fait, c'est pas vraiment du classique. Ni du contemporain. C'est le premier à la sauce du second. Ca, c'est la forme. Le fond, c'est, bien entendu, l'histoire d'amour et de mort la plus célèbre de l'histoire de l'Humanité : ils s'aiment, tout les en empêche, ils préfèrent se donner rendez-vous dans la mort. Funeste tragédie que Malandain surexpose, mettant en exergue son romantisme désespéré, la fatalité extatique, l'inexorable douleur des protagonistes ... dans une danse qui te traîne du tombeau à la lumière, s'envolant, retombant, flottant, tout ça tout ça. Ma-gni-fique, qu'on te dit. Le tout sur l'oratorio de Berlioz plutôt que sur le traditionnel Tchaikovsky.
> du 27 au 30 juillet, 22h, dans la Cour d'Honneur des Invalides.
# Brilliant Corners par Emanuel Gat (et sa compagnie)
Gat est musicien, au départ. Il a donc appris à respirer avec les soupirs et les silences, et à accorder battements de coeur et métronome. Un rapport très physique, charnel, corporel à la musique qui l'a, au final, amené à composer avec ... le corps. Dans Brilliant Corners, Gat n'a pas recours à un univers musical, mais à des centaines, qu'il a lacérées en courts extraits, montés ensemble, qui se percutent, s'accordent et/ou se répondent. En découle donc une pièce dansée inédite, issue de l'intention naturelle du corps, comme si le spectacle était évident, comme si le geste s'imposait de lui-même, un truc plutôt magique induit par ce que le corps et l'esprit inconscient puisent dans la musique. Là, comme ça, tu te dis que tu ne vas rien comprendre ... mais au fond, l'essentiel, ce n'est pas comprendre, c'est ressentir.
> du 3 au 6 août, 22h dans la Cour d'Honneur des Invalides.
Le tout sous le regard l'objectif d'Agathe, la photographe attitrée du festival, dont les travaux invitent à la mise en abîme du festival autant qu'à la nostalgie de spectacles que l'on n'a (peut-être) même pas vus. Expo dans la cour d'honneur des Invalides, jusqu'au 9 août.
Voilà. Beaucoup de danse, c'est vrai, mais ce n'est que ma sélection. Tu peux retrouver toute la programmation ICI. Donc si t'es toujours pas content(e), fais gaffe, tu pourrais bien te prendre des coups ... de Martinet.
Pour réserver ta place, c'est là, sur le site de Paris Quartiers d'Eté.