L'autre jour, j'ai passé un cap. Un vrai.
Tu vois, il y a des expériences dans la vie qu'il faut faire. Des trucs grands, où tu défies l'histoire, l'espace, le temps ...
Ce genre d'expérience novatrice où tu te sens un homme réinventé, où ton esprit fait un pas supplémentaire dans la communauté des hommes vers la tolérance, l'ouverture d'esprit et l'unisson.
Cette grande expérience, c'était un goûter dans une vraie pâtisserie fine kasher, au coeur d'un des quartiers les plus charmants de la capitale : le Nord Marais. Avec sa rue des Rosiers restée emblématique de la culture juive et célèbre pour la fusillade qui l'a traumatisée en 1982, pour peu qu'il fasse beau, le coin est impressionnant, pas moments. Entre les fêtes dansantes en yiddish et celles en hébreu, entre les librairies familiales et les resto décorés, entre les gamins arborant leur kippa et les adultes à la grande sobriété, la rue des Rosiers est un appel au multiculturalisme dépaysant !
C'était chez Korcarz et c'était délicieux.
En fait, c'était moins délicieux que la subtile conversation entre Gilles, gentil trentenaire marié, ancien homme d'affaires, à la recherche d'un emploi, et une dame (que nous appellerons Sabine, parce qu'elle avait une tête à s'appeler Sabine), ancienne hôtesse d'Air France, nos voisins de table. Tellement délicieux qu'on n'a pas cessé de se taire, tant c'était croustillant.
Après avoir fait de modestes présentations, Gilles, qui ne connaissait pas Sabine, commence à lui raconter sa life. Voyages, affaires, appartements ... Bingo : Sabine adore les voyages. Tous les bons vieux clichés y sont ressortis, ou presque. Et voilà Gilles entrain de la conseiller sur les meilleurs sites d'Indonésie, et Sabine de renchérir sur la Thaïlande. Et chacun y va sur son petit avis sur le tourisme sexuel et la prostitution. Est-il question d'Afrique du Sud ? L'autre repart sur la côte somalienne sur la Mer Rouge. Et sur le soleil magnifique qu'il fait toute l'année en Afrique...
Mais le plus drôle, ça a sûrement été ceci :
G : Vous savez qui fumait des gitanes ?
S : Oh, ben Gainsbourg, Mitterrand, Bardot ...
G : Et Catherine Deneuve !
S : Ah bon ? Non mais c'est qu'une chanso...
G : Non non, tout ce qui était dans cette chanson était vrai !
Mettons sur pause un instant. Donc, d'après ce garçon, Gainsbourg dit vrai quand il annonce que Dieu est un fumeur de havanes. Soit. Mais Deneuve aussi quand elle déclare que Gainsbourg fume des Gitanes. A quel moment est-il dit qu'elle fume, elle ? Qu'est-ce qu'il n'a pas compris, Gilles, dans le texte ? Bref ...
S : Non, je suis sûre qu'elle ne fume pas de Gitanes. Je l'ai croisée quand ...
G : Ah bon ? Vous l'avez rencontrée ?
S : Oui, une fois, on prenait le même avion pour l'Extrême-Orient. Elle allait à Tokyo et moi à Pékin, mais on prenait le même avion. Et elle ne fumait pas de Gitanes.
G : Ah vraiment ? Pourtant, j'en étais sûr.
Pause pause pauuuuuse ! Bon, qu'on prenne le même avion pour deux destinations différentes, passe encore. Disons que l'une des deux a du faire une correspondance. Et bien entendu, Deneuve ne devait pas fumer de Gitanes. Même ne pas fumer du tout, en avion... Bon. Et puis, qu'est-ce qui nous dit qu'elle n'a pas fumé un jour des Gitanes ? Et surtout, surtout : qu'est-ce qu'on s'en fout, au fond ?
G : Oui parce que pourtant, Deneuve, on dit qu'elle fumait des Gitanes.
S : C'est sans doute comme Alain Delon, elle a sa...
G : Delon, je l'ai rencontré à New York, à Central Park, où il a un appartement.
En gros, tu l'auras compris, Gilles a imposé sa life à Sabine qui prenait gentiment un café et un apfelstrudel à la poudre de pistache. Elle, polie et amusée, a accepté la conversation. Lui, franchement envahissant et plutôt grossier, l'a imposée. Au point qu'il a réussi à la faire noter son numéro de téléphone. Maligne, Sabine l'a noté sur un journal... qu'elle a jeté en sortant.
Mais chez Korcarz, c'est délicieux et vraiment bon marché !
Ce genre d'expérience novatrice où tu te sens un homme réinventé, où ton esprit fait un pas supplémentaire dans la communauté des hommes vers la tolérance, l'ouverture d'esprit et l'unisson.
Cette grande expérience, c'était un goûter dans une vraie pâtisserie fine kasher, au coeur d'un des quartiers les plus charmants de la capitale : le Nord Marais. Avec sa rue des Rosiers restée emblématique de la culture juive et célèbre pour la fusillade qui l'a traumatisée en 1982, pour peu qu'il fasse beau, le coin est impressionnant, pas moments. Entre les fêtes dansantes en yiddish et celles en hébreu, entre les librairies familiales et les resto décorés, entre les gamins arborant leur kippa et les adultes à la grande sobriété, la rue des Rosiers est un appel au multiculturalisme dépaysant !
C'était chez Korcarz et c'était délicieux.
En fait, c'était moins délicieux que la subtile conversation entre Gilles, gentil trentenaire marié, ancien homme d'affaires, à la recherche d'un emploi, et une dame (que nous appellerons Sabine, parce qu'elle avait une tête à s'appeler Sabine), ancienne hôtesse d'Air France, nos voisins de table. Tellement délicieux qu'on n'a pas cessé de se taire, tant c'était croustillant.
Après avoir fait de modestes présentations, Gilles, qui ne connaissait pas Sabine, commence à lui raconter sa life. Voyages, affaires, appartements ... Bingo : Sabine adore les voyages. Tous les bons vieux clichés y sont ressortis, ou presque. Et voilà Gilles entrain de la conseiller sur les meilleurs sites d'Indonésie, et Sabine de renchérir sur la Thaïlande. Et chacun y va sur son petit avis sur le tourisme sexuel et la prostitution. Est-il question d'Afrique du Sud ? L'autre repart sur la côte somalienne sur la Mer Rouge. Et sur le soleil magnifique qu'il fait toute l'année en Afrique...
Mais le plus drôle, ça a sûrement été ceci :
G : Vous savez qui fumait des gitanes ?
S : Oh, ben Gainsbourg, Mitterrand, Bardot ...
G : Et Catherine Deneuve !
S : Ah bon ? Non mais c'est qu'une chanso...
G : Non non, tout ce qui était dans cette chanson était vrai !
Mettons sur pause un instant. Donc, d'après ce garçon, Gainsbourg dit vrai quand il annonce que Dieu est un fumeur de havanes. Soit. Mais Deneuve aussi quand elle déclare que Gainsbourg fume des Gitanes. A quel moment est-il dit qu'elle fume, elle ? Qu'est-ce qu'il n'a pas compris, Gilles, dans le texte ? Bref ...
S : Non, je suis sûre qu'elle ne fume pas de Gitanes. Je l'ai croisée quand ...
G : Ah bon ? Vous l'avez rencontrée ?
S : Oui, une fois, on prenait le même avion pour l'Extrême-Orient. Elle allait à Tokyo et moi à Pékin, mais on prenait le même avion. Et elle ne fumait pas de Gitanes.
G : Ah vraiment ? Pourtant, j'en étais sûr.
Pause pause pauuuuuse ! Bon, qu'on prenne le même avion pour deux destinations différentes, passe encore. Disons que l'une des deux a du faire une correspondance. Et bien entendu, Deneuve ne devait pas fumer de Gitanes. Même ne pas fumer du tout, en avion... Bon. Et puis, qu'est-ce qui nous dit qu'elle n'a pas fumé un jour des Gitanes ? Et surtout, surtout : qu'est-ce qu'on s'en fout, au fond ?
G : Oui parce que pourtant, Deneuve, on dit qu'elle fumait des Gitanes.
S : C'est sans doute comme Alain Delon, elle a sa...
G : Delon, je l'ai rencontré à New York, à Central Park, où il a un appartement.
En gros, tu l'auras compris, Gilles a imposé sa life à Sabine qui prenait gentiment un café et un apfelstrudel à la poudre de pistache. Elle, polie et amusée, a accepté la conversation. Lui, franchement envahissant et plutôt grossier, l'a imposée. Au point qu'il a réussi à la faire noter son numéro de téléphone. Maligne, Sabine l'a noté sur un journal... qu'elle a jeté en sortant.
Mais chez Korcarz, c'est délicieux et vraiment bon marché !