On a tous été des enfants fabuleux.
Je pense avoir appris à lire avec Le Petit Prince, en enregistrant les lettres que mon père suivait du doigt pendant la lecture. Instinctivement, je me suis identifié au personnage, dans toute sa naïveté, dans toute sa gravité. Plus qu'une rencontre littéraire : un support analytique inconscient, un guide de la route des adultes. Syndrome de Peter Pan ou nostalgie pré-trentaine, le roman de Saint-Ex' m'est revenu en pleine figure cet été, comme tu as pu le voir ici, accompagné de l'idée que les petites tragédies nécessaires pour que l'enfant mûrisse sont parfois d'une désagréable amertume, surtout lorsqu'elles surgissent tôt, et que l'on est pas/mal accompagné.
Cet été, c'est aussi le moment où j'ai débusqué Extremely loud and incredibly close, roman de Jonathan Safran Foer paru en 2005, autre roman entre quête intiatique et sentiment de décalage du monde porté par un personnage principal très jeune agissant de façon autonome (en apparence). Le parallèle s'arrête là, mais je n'ai pas pu m'empêcher de catapulter le petit blond du désert de St Ex dans le New York post 9-11 de Foer, et si le môme me semble particulièrement plus brillant que je pouvais l'être à son âge (9 ans), il a dans ses certitudes et ses émotions quelque chose qui m'est familier : il ne m'en fallait donc pas plus.
Oskar Schell, 9 ans, a perdu son papa dans les tours. Brisant un vase dans le placard où il s'imbibe des souvenirs paternels, il découvre dans les débris une clé dans une enveloppe portant l'inscription "Black". Et le voilà à vouloir retrouver la serrure correspondante, une quête titanesque dans un New York bien contraignant pour un môme sensible mais déterminé et surdoué...
La beauté de l'écriture de Foer ne réside pas dans l'esthétique stylistique, mais dans le propos lui-même : on est dans la tête d'Oskar, dans ses sentiments, dans son âme, dans son corps. Bouleversant, entre cracking up (éclater de rire) et getting heavy boots (déprimer), le roman aborde le deuil chez l'enfant, sans s'effondrer dans le morbide, avec la fatalité et la beauté de leurs regards sur le monde dans lequel nous les faisons grandir. Oui, rien que ça.
L'histoire t'est sans doute familière si tu as vu l'adaptation ciné en 2011, signée Stephen Daldry (The Reader, Billy Elliott, The Hours) avec Thomas Horn dans le rôle d'Oskar, entouré de Tom Hanks, Sandra Bullock, Max von Sydow... Tiens, v'là la bande-annonce :
J'ai tant aimé le roman qu'il m'est devenu impossible de voir le film. Il en sera de même avec La stratégie Ender - encore une histoire de môme naïf et courageux - en salles actuellement.