Where is my mind ?
Je ne peux plus entendre les "tu ne peux pas comprendre", les "tu ne peux pas imaginer", les "tu ne sauras jamais ce que c'est".
D'une part, parce que c'est insultant. Je mets de mon intellect, de ma sensibilité et beaucoup de mon temps à essayer de comprendre quiconque s'ouvre à moi (et souvent à réussir). C'est, en
quelque sorte, comme me faire comprendre que, quels que soient me efforts, je ne serai jamais à la hauteur de ton discours et, comme il s'agit d'expérience, que je ne peux même pas avoir
l'imagination assez grande (crétin que je suis) pour seulement envisager ce dont tu me parles. Comme s'il fallait l'avoir vécu pour le comprendre. Comme si l'empirisme était le seul mode
d'apprentissage.
D'autre part, c'est aussi très présomptueux. C'est revendiquer une originalité qui dépasse tout ce qu'un être humain a pu croiser, c'est affirmer l'existence une barrière infranchissable
entre les individus. C'est même s'accomoder, quelque part, d'une différence qui justifie l'arrêt brutal de la réflexion ("à quoi bon continuer, tu ne peux pas comprendre") et donc
entériner une position de domination intellectuelle, donc un conflit ouvert. C'est très politiquement incorrect.
Crois-le ou non, j'ai quelques neurones bien accrochés. J'ai vécu, aussi : j'ai aimé, été aimé, rejeté, été rejeté, culpabilisé et fait culpabiliser, eu peur, froid, faim, envie, pleuré, ri,
grandi. Oui oui : GRANDI. J'ai abattu, un par un, les rêves, les piédestals, les pieux mensonges qu'on érige dans l'esprit des gosses pour leur donner des repères qui n'en sont pas, j'ai
démantelé une par une les icônes, les promesses, les fausses vérités qu'on imagine. Désabusé, certainement. Désenchanté, pas encore. Déprimé, pas du tout.
Je suis un peu comme Elle Fanning dans le dernier spot pour Le premier parfum de Lolita Lempicka. Doux et menaçant, pur et sale, lumineux et sombre, entre gris clair et gris foncé. Que
croire vraiment ? Rien n'est sûr, mais tout est possible - surtout le meilleur, si on y travaille.