Métaphore de l'esclavage
Certains matin, tu as le sentiment de te lever pour aller au bagne. Tu arrives à faire mentalement, en silence, en serrant les dents, les comparaisons entre ta condition d'esclave, soumis, puni,
sans droit de parole, enfermé dans ta servitude, fac à ton bourreau de supérieur/actionnaire/poste-de-télé. C'est normal : c'est que tu t'es gloutonnement vautré dans le confort de la routine, de
l'obéissance servile, de la négation de tes ambitions
J'ai remarqué un truc récemment. Si nous avons l'impression d'aller au bagne, les artistes qui ont le même sentiment de servitude dangereuse ont l'impression, eux, d'être artiste de cirque.
Le cirque, c'est tous les symboles de la création : une piste en guise de scène, des lumières, un spectacle, un public. Ca leur rappelle forcément le boulot. C'est aussi le symbole de la prise de
risque physique : lanceurs de couteaux, animaux sauvages, équilibristes, jongleurs... qui symbolisent la prise de risque psychologique (trouver son équilibre, risquer sa peau, continuer à
faire face au public en situation de danger,...). C'est une représentation de la société : un Monsieur Loyal, une artiste vedette (fildeferiste, de préférence), des seconds rôles jaloux,
des gens simples moqués, des invisibles, des nettoyeurs... Et c'est une vie difficile, entre itinérance et petits moyens, une vie de vagabond que l'imaginaire collectif dénigre :
saltimbanques, monstres de foire, etc. Il n'a pas fallu longtemps pour que ces demoiselles rêvent de se changer en princesses de cirque, belles, talentueuses, mais promises à la misère...
Décryptage.
#Celle qui a tout pompé, mais bien : Shy'm - Je suis moi
Avec Shy'm, le cirque évoque bien ce dont je te parlais à l'instant, mais il faut quand même chercher. Les monstres de foire sont là, mais pas le public, ni l'apparente contrainte du milieu.
C'est que Shy'm prône ici l'individualité, l'originalité de chacun - et avant tout la sienne. Dans un décor glamour, elle met une succession de personnages étranges mais à la photo léchée et du
placement de produit (Eau Jeune !) - comme Lady Gaga -, une choré R'n'B - à la Britney 90's - sur le thème du pantin manipulé et une réalisation très Sofia Essaidi.
Résultat : Tamara, c'est un peu facile d'utiliser l'imagerie du cirque juste parce que tu chantes "Dans ce grand cirque, la comédie ne me changera pas." M'enfin, la photo est vraiment jolie - et
la maquilleuse est une déesse.
#Celle qui en fait un court-métrage : Mylène Farmer - Optimistique-moi
Farmer est connue pour jouer sur les symboles, tous les symboles, rien que les symboles : ce clip n'y échappe pas. Mieux : c'est sans doute la meilleure élève de tout ce que je vais te proposer.
Suspendue entre la terre et le ciel, perdu comme un lapin dans les phares, elle n'a qu'un soutien dans ce monde qui la maltraite et la moque : l'amour, qui seul lui permettra de s'échapper.
Michael Haussmann, qui avait déjà bossé avec Madonna (Take a bow) ou Joe Cocker(Night calls), signe une photographie poussiéreuse et mystérieuse, un montage ample et narratif,
autour de l'histoire. Une merveille qui nécessiterait 6 mois d'analyse en continu. Chef d'oeuvre.
#Celle qui confond cirque et cabaret : Britney Spears - Circus
Le drame, avec Britney, c'est sa capacité à générer des fails en cascade. Non seulement elle limite l'univers du cirque à quelques éléments (un fouet, un lion, un peu de sable,...), mais
en plus, c'est sans doute la seule artiste de cirque à aller en piste avec de la joaillerie à 150 000€ au bas mot - placement de produit Bulgari au passage. On peut comprendre son message :
en bonne Madame Loyal, elle te propose son univers, sa façon de faire, ses règles du jeu. Mais ça ne colle pas parce que Spears cultive là l'univers du cabaret : chapeau
haut de forme, body satiné, blondeur solaire, bijoux clinquants, rideau rouge, attitude de vamp (arrête avec tes lèvres, bon sang !). Et c'est quoi, cet incendie, sur le pont musical ? Non,
elle n'a rien compris.
#Celle qui le fait juste pour se rhabiller comme une p*** : Christina Aguilera - Hurt
Touchante chanson, vibrante histoire que celle d'une rédemption tardive. Aguilera doit tout à son père, mais grisée par le succès, elle l'a abandonné à sa vie fade et pâle. Le jour où elle
apprend sa mort, elle est triste et ravagée par les regrets. C'est pas très original, mais ça a le mérite d'être plus crédible que "je suis meneuse de revue sous chapiteau". Simple
cadre à l'élaboration de sa vidéo, Aguilera se vautre dans une vision putassière de l'écuyère, starisant la fille poussiéreuse comme si elle descendait Hollywood Boulevard dans les années 30
: blonde platine, gants blancs, robe du soir, flannelle, tout ça. Ca arrive souvent, avec Aguilera, ces dérapages esthétique dans l'übersexuel, digne des pires imageries porno des années 70.
Bon. C'est pas tout, j'ai d'autres lions à fouetter, moi.