Non, ma fille...
...tu n'iras pas penser.
Le choix, nous l'avons sans l'avoir. Nous l'avons entre onze démarches, nous ne l'avons pas faute de les connaître vraiment. Qui parmi nous peut prétendre être allé lire les onze programmes, a pu questionner à la lumière des connaissances de nos experts politiques et de nos technocrates de tous bords ? Certes, l'intégralité d'un programme n'a jamais été la raison du succès d'un candidat à une élection - mais jusqu'ici, le programme ou les idées ont toujours été au centre de nos préoccupations électorales. Remarque utile : c'est toujours le cas, mais il semble que pour cette élection présidentielle, nous n'ayons pas l'occasion d'y venir, devant d'abord digérer les interminables atermoiements médiatiques sur les affaires politiciennes.
Quelque part, c'ets aussi le fond de Chez nous, le dernier film de Lucas Belvaux, où Emilie Dequenne campe une bonne intention voulant s'investir pour sa communauté, et qui se retrouve privée de toute réflexion par un système qui étouffe la pensée au profit de situations scandaleuses.
Le pitch Pauline, infirmière libérale, voit la tristesse du quotidien de sa ville et de ses patients. Au cours d'une conversation avec un ancien député, elle se laisse séduire par un engagement politique. Pour se lancer, elle pourrait bénéficier du soutien d'un appareil politique populaire et social dans son discours : le Rassemblement National Populaire, un parti d'extrême droite. Peu à peu, Pauline réalise la laideur de l'image du parti qu'on lui appose : incompréhension familiale, rejet des patients, et interdiction de développer ses idées. A cela se greffe, dans l'ombre, la légende noire des milices violentes, dont un membre à couvert fait chavirer le coeur de la jeune candidate...
Alors ? Le film de Belvaux pèche par son indécision, sa tentative de ne pas cibler le Front National tout en étant incapable de ne pas dénoncer certaines de ses vérités, l'incapacité de rester concentré sur son héroïne, son indolence, sa crédulité, comme elle est réduite à ses sentiments, l'absence de critique de la machine...
Mais soyons honnêtes, comment ne pas se sentir comme Pauline, par moments, quand l'envie de souscrire à une idée est emportée par le maelstrom de malaise, de honte, d'aberrations, et s'effrite sous le mépris désespérant dont fait preuve la plupart des candidats de la course à l'échalote élyséenne.