Qui est in ? Qui est out ?
La peau est une frontière. Une frontière poreuse entre l'intérieur et l'extérieur, entre moi et le monde, entre l'intime et le public. Hier, en regardant les préparatifs d'un spectacle québecois,
je me demandais si je serais capable de danser nu. D'exposer l'entièreté de ma peau au regard des gens, de déplacer le curseur du public un peu plus vers l'intime, ou
d'enfoncer davantage l'intime vers l'intérieur pour que la frontière devienne, elle, publique, et non plus intime.
Ca m'a rappelé Yaron. Yaron est membre d'un commando d'élite israélien avec une seule obsession : la haine de l'Arabe. L'Arabe comme un ennemi extérieur, un ennemi violent,
comme un monstre à combattre. Yaron se veut donc à la hauteur du challenge : il cultive l'apparence - sa frontière entre l'intime et le public - de sa personnalité ; il est ainsi mari appliqué,
futur papa impliqué, camarade protecteur et collègue attentif ; il est aussi très beau, musclé, viril, sensuel et sexuel. Yaron, donc, se concentre sur son apparence physique et sociale pour
mieux l'inscrire dans un contexte de lutte contre l'ennemi extérieur, comme l'Israël cultive son apparente opulence pour mieux lutter contre l'Arabe. Tu me vois venir : et l'intérieur,
dans tout ça ?
Shira, Oded, Nathaniel et Michael sont quatre jeunes activistes qui préfèrent la lutte sociale à la lutte internationale. Prêts à mettre leur vie entre parenthèses - à étouffer
une partie de leur intérieur, donc - pour s'investir totalement dans la défense acharnée de leurs idées. Lorsqu'ils kidnappent deux des hommes les plus puissants (économiquement) d'Israël pour
contraindre l'Etat au chantage, c'est le commando de Yaron qui est appelé. Après une intervention aussi brutale que furtive, Yaron rencontre les yeux ouverts de Shira qui git sur le sol et se
retrouve soudain touché dans son intime : et si la vraie lutte était ailleurs ? Où placer le curseur entre le bien général et le bien particulier. L'ennemi intime n'est-il pas le plus dangereux,
et donc le premier à aider plutôt qu'à punir ?
Le policier, un film - assez intéressant dans le discours, assez mauvais dans sa narrativité (que c'est long !) - de Nadav Lapid, avec Yiftach Klein (Yaron), Yaara
Pelzig (Shira), Michael Moshonov (Oded).
J'en suis donc un peu plus loin que Yaron dans ma réflexion sur l'intime et le public, mais je me questionne soudain à l'inverse : et si la question de ma nudité sur scène ne se limitait pas à
moi mais allait au-delà, vers l'éthique, le politique et l'idéel ? Fichtre.