Un jour, peut-être.
Certaines personnes te font espérer. Croire au changement. Rêver de jours meilleurs. Ils arrivent même, parfois, à faire naître de vrais trésors là, sous tes yeux, et toi, tu souris devant l'accomplissement qui vient de se réaliser. D'autres te déçoivent systématiquement. Non pas que tu places d'audacieux espoirs en eux, non : c'est juste un léger mieux, un rayon de soleil entre les nuages, une lueur dans l'obscurité. Même ça, apparemment, c'est impossible.
Tiens, regarde Wes Anderson. J'avais vu La vie aquatique (2005) et trouvé ça nullissime. C'est facile de faire un film absent autour de Bill Murray - M'sieur "Je suis perdu et pas très volontaire" - et de sous-employer Cate Blanchett et de faire renaître Angelica Huston. J'avais vu Darjeeling Limited (2008) et j'avais trouvé ça raté. C'est facile de faire de belles images de paysages (Ah, l'Inde...), mais le scénario était mauvais et la direction d'acteurs visiblement inaboutie. J'avais vu Fantastic Mister Fox (2010) et trouvé ça drôle. Pourtant, c'est dur de le mettre au même niveau que le reste de la filmo de Wes parce que c'est un film d'animation. Très réussi, hein, mais c'est quand même pas pareil. On se laisse plus facilement bluffer par la technique. Toutefois, ça n'enlevait pas de mérite au ton décalé et à l'humour sympathique. Pour autant, Wes Anderson me laissait un goût de weirdosité inaboutie. De mec qui fait des trucs inattendus ou originaux, sans parvenir à faire mouche. Du film barré qui ne tient pas la route. En ouverture de Cannes, cette année, il y a eu son dernier film : Moonrise Kingdom. Alors ? Ben...
L'histoire : Sam, jeune scout, et Suzy, jeune fille, ont décidé de s'enfuir pour vivre leur amour. Les référents légaux de chaque gamin (les scouts et les services sociaux pour Sam, les parents pour Suzy) s'allient à l'Etat (représenté par la police) pour les retrouver et les séparer. Gamins pas vraiment comme les autres (mais surtout, pas comme voulus par les adultes), Sam et Suzy vont pourtant chercher à se rejoindre coûte que coûte.
Alors ? Romeo&Juliet made in "enfants sortant des cadres sociétaux", ode libertaire, attaque en règle de la société américaine étriquée des années 60, le film est plaisant non seulement par son ton - décalé, once more -, mais aussi par son esthétique (de la photographie candy et géométrique à la réalisation très graphique) et par son interprétation (très pince-sans-rire et loufoque : c'est jouissivement drôle). Wes Anderson signe un pamphlet contre la normalité, consacre la pensée underground, et fait de l'innocence infantile le summum du bon sens et de la simplicité. Le tout laisse un sentiment étrange, entre plaisir et arrière-goût, comme s'il manquait quelquechose. Mais quoi ?
Y'a qui, dedans ? Ce qui est bon, c'est qu'il y a floraison de grands acteurs (Bruce Willis est l'agent de police, Edward Norton le chef scout, Bill Murray et Frances McDormand les parents de Suzy, Tilda Swinton les services sociaux, Jason Schwartzman le cousin scout), mais qu'ils sont tous relégués au rang de seconds rôles - voire de tristes sires - parce qu'ils sont normalisés, là où les deux gamins (Jared Gilman et Kara Hayward, dont les noms n'apparaissent quasiment nulle part, alors qu'ils sont les vraies stars de ce film) explosent à l'écran en children-with-issues un peu rebelles.
Preuve, donc, que tout vient à point à qui sait attendre - et encourager.