Vous faites quoi, dans la vie ?
Iconoclaste. C'est, peu ou prou, mon vrai domaine d'activité. Du genre "Dynamiteur des intérêts de ma boîte" ou "Prof d'histoire qui refait l'histoire". Ce n'est pas tant que je monte systématiquement à la tribune pour contredire celui qui vient de beugler des ordres parler, non : je déteste juste les idées préfaites, surtout quand elles vont à l'encontre du bon sens (pire encore : dans un seul but financier). Je suis davantage à la recherche de l'essence de l'action professionnelle, comme au service de l'expérience en ce qu'elle a d'intense, et non dans ce qu'elle a de formel, de sclérosé. (Evidemment)
J'ai retrouvé cette idée dans la dernière compo de Leos Carax, Holy Motors, dans toutes les bonnes salles un peu barrées. J'avoue, de Carax, je n'avais vu que Tout le monde, et c'était pas un chef d'oeuvre. Pola X, Les amants du Pont-Neuf : entendu parler, oui, mais pas vu. Leos Carax a fait, avec Holy Motors, un puzzle autour d'Oscar (joué par un Denis Lavant qui donne tout, et qui aurait largement un prix d'interprétation cannois), un homme aux rendez-vous qui l'emmènent dans plusieurs vies, mené à elles en limousine par Céline (Edith Scob, maîtrisée, transpirant une finesse et une intelligence splendides), et croisant le chemin de la top model Kay (Eva Mendes, sculpturale), de sa fille Angèle (Jeanne Disson, brillante), de sa nièce (Elise Lhomeau, étonnante), d'un patron (Michel Piccoli, amusant), ou d'une collègue (Kylie Minogue, bouleversante). Holy Motors, j'y ai vu une succession de situations, presque une métaphore de l'existence, à moins que ce n'en soit une du cinéma. J'y ai vu des oppositions (l'homme d'affaire et la mendiante), des parallèles (l'homme d'affaire et le quartier chinois), des soumissions (à la technologie dans le 2nd rendez-vous, à l'apparence dans le 3e, au diktat social dans le dernier, au temps qui passe dans la limousine), des purs moments d'humanité (avec sa fille, avec son ex, avec sa nièce), des instants d'esthétique incroyable (la scène du cimetière, celle de l'église, de la Samaritaine...). De sens global, je n'en ai pas trouvé. J'ai laissé de côté la quête du sens pour jouir de l'instant et de la durée.
C'est sans doute ça, le lien le plus évident - pour moi - entre Holy Motors et mes jours : les extraits sont intenses, dissemblables et incohérents au premier abord, mais l'ensemble est énigmatique et satisfaisant. Déconstructions... réassemblées
Je continue comme j'ai commencé : pour la beauté du geste.