Sans retour ?
Et si, la grande tendance du 21e siècle, après les Trente Glorieuses (1945-75) et les Trente Piteuses (1975-2005), c'était "Se tirer pour tout recommencer" ? Crise d'adolescence, Y Generation, démon de midi, ennui du retraité : à chaque âge sa raison d'aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs. Entre envies de subitement se décrasser le quotidien en perdant habitudes et sociabilités sclérosées et goût du voyage (dépaysant/initiatique/de retour aux sources), les films sur le thème "je reprends à zéro" couplés avec "un jour, ailleurs" se multiplient, mais surtout, ils quittent les terrains boueux du retour à soi sur fond de choc comique des civilisations pour un peu de bon sens. Tout vient à point ...
C'est ainsi que John Madden (Shakespeare in Love - 1999) a réalisé The best exotic Marigold Hotel, sorti il y a quelques semaines mois sur ton écran préféré. L'idée : en Angleterre, sept retraités, devant l'injustice faite à leur classe d'âge (niveau des retraites, considération, coût de la vie, ...) craquent et partent en Inde, pour voir si leur bonheur s'y cache. Madden a réuni pour ça la fine fleur des acteurs anglais ridés : Judi Dench en veuve qui reprend sa vie en main, Tom Wilkinson sur les traces d'un amour perdu, Maggie Smith en aigrie en recherche de considération, Bill Nighy et Penelope Wilton en couple en fin de course, Celia Imrie et Ronald Pickup en célibataires en quête de renouveau. Ils tombent tous dans le panneau d'une pub pour le Marigold Hotel, un palace en ruine qui abrite les rêves de grandeur de Sonny (joué par Dev Patel, m'sieur Slumdog Millionnaire), dernier né d'une famille indienne qui réussit, un peu trop bordélique, amoureux et soumis.
"Tout ira bien à la fin. Si ça ne va pas bien, c'est que ce n'est pas la fin."
Résultat : un chouette film qui fait la part belle aux sentiments sans tomber dans le mièvre, avec de belles images de l'Inde sans être putassier (à la Darjeeling Limited), et pas mal de moments gênants-loufoques-cyniques-improbables qui font (sou)rire. On en ressort avec l'angoisse de la mort un peu apaisée par l'idée que, même à la fin, on peut encore recommencer.