# JULIEN DORE : Bichon
On savait que Doré était un surdoué du détournement, on le savait auteur de talent, on le savait mélodiste audacieux, on ne l'aimait pas pompeur de styles en mode copié-collé. Bichon, c'est un peu tout ça mélangé ... mais avec du somnifère en perf. Ouvrons le bal avec Baie des Anges : entre Arnaud Fleurant-Didier (dit "le soporifique slammeur des beaux quartiers") et Vincent Delerm (dit "le premier homme à la voix modulo"), on se demande, au bout d'une minute, combien de temps ça peut durer. Par chance, le morceau d'après, un peu plus péchu (comme on les aime, ndlr), sauve un instant le disque d'une projection vers la poubelle. Pas de bol, alors que tu crois à un mieux, le disque t'assène un duo avec Françoise Hardy (qui chante, si on ne sait pas que c'est elle, comme Balavoine) idéal pour les nuits d'insomnie : on s'ennuie. Tu veux mourir ? Non, tu zappes sur la suivante, qui bouge. Juste un peu. Ritournelle avec le minimum syndical de variations dans les notes pour qu'on puisse parler de "musique", L'été summer est la preuve que, même avec des concepts intéressants, on peut faire de la soupe. Golf Bonjovi nous faire croire que Doré a voulu alterner chanson lente et rapide ... Disons que, plus tu progresses dans l'album, plus sa voix t'agace. En vrai, il y aurait mille façons de chanter sur ses musiques ... surtout avec sa voix grave sexy. Mais lui, il choisit de faire du crooner, et en français, ça passe moyen. Roubaix mon amour est intéressante, pour ça : la musique, simple, donne une ambiance sucrée et vintage, le texte est décalé, un peu space, mais sa voix te donne envie de le gifler, et de mettre Gainsbourg, à la place. Julien : mets-toi à fumer ou arrête de dormir, le résultat sera un poil moins risible. Je ne te parle pas de la fin de l'album : je n'ai pas eu le courage de l'écouter jusqu'au bout (oui, oui, vas-y, bâche-moi ...).
# Mamma Mia : le musical (en français)
Si tu es né(e) au XXè siècle, tu as forcément entendu parler d'Abba. Pire : tu as forcément eu droit à Dancing Queen, Money money money et/ou Gimme Gimme Gimme. (Non pas que le syndrome bègue ait envahi la monde de la chanson (Lady Gaga serait, de ce fait, l'élément actuel le plus atteint : po-po-po-poker face po-po-poker face), mais musicalement, ça claquait plus, c'est tout.) Après les adieux à la scène du plus grand groupe disco suédois du monde, les nécrophages nostalgiques de l'Abbamania se sont lancés dans la création d'une comédie musicale reprenant les tubes du groupe : Mamma mia ! avec une histoire originale de mariage en Grèce et de mariée avec trois pères potentiels. Le hic, c'est que la comédie musicale a fait un tabac au Théâtre du Châtelet. Et que des producteurs français se sont dit qu'une tournée serait une bénédiction (financière). Et que pour que les bouseux de province aiment, il fallait traduire les paroles. Il n'y a pas encore d'enregistrement fait, mais pour les avoir vus chanter dans 42è rue, sur France Musique (merci L'Illuminé !), je peux te dire que la traduction rend toutes les chansons risibles (à l'exception de Our Last Summer, joliment transposé) : Take a chance on me donne ainsi "Si tu te sens seul quand les arbres perdent leurs feuilles, je n'ai pas d'alliance, viens tenter ta chance ...". Mort de Lol. L'exercice était ardu, mais pas indispensable, hein, Nicolas Nebaut. Si tu aimes Abba, abstiens-toi. Si tu veux juste t'amuser, et reprendre les VF facilement entêtantes, vas-y. En espérant que la mise-en-scène, les costumes et les lumières rattrapent le niveau inégal des interprètes. (dédicace à Gaëlle Gautier : Abba, ce n'est la génération de personne de moins de 60 ans, et ce ne sont pas eux qui viendront te voir, gourdasse). Heureusement, le film était sympa (je t'ai mis la version Brosnan-Streep-toussa-toussa de Our Last Summer).
# DANNY ELFMAN : Alice in Wonderland
Les ambiances de Danny Elfman sont reconnaissables au kilomètre. On sait aussi qu'à partir du moment où il y a Tim Burton, il y a Danny. C'est pas par hasard : ce que l'on appelle "la tonalité Burton" devrait en fait être appelé "la tonalité Burton-Elfman", parce que sans Elfman, Burton n'est qu'un néo-gothique faisant dans l'onirisme. Rappelons tout de même que Danny n'a pas que Tim dans la vie : Gus van Sant, Sam Raimi, Ang Lee, et des musiques pour tout le ciné, du film d'horreur (Scream 2) à la comédie musicale (Chicago) en passant par le film d'action (Mission : impossible). Danny amène un sens de l'atmosphère musicale hors du commun, mais, reconnaissons-le, ça manque un peu de renouvellement. Avec Alice in Wonderland, sa 12è collaboration directe avec Burton, Elfman signe une BO qui lui ressemble, à la fois épique dans ses envolées de cuivres, mystérieuse grâce aux cordes aigües, inquiétante par le louvoiement de ses bois ; rajoutons cette fois quelques voix (un choeur d'enfants) pour la part d'innocence qu'est celle d'Alice herself et paf, ça marche, on est dedans. Le thème est remarquable par sa composition, sa puissance évocatrice et sa capacité à être retenue facilement. Il dit tout, ou presque. C'est bien simple : les images nous viennent quasiment naturellement, pour peu qu'on se souvienne de la tête de Mia Wasikowska pour bien visualiser Alice. On est, évidemment, à des années-lumières de la BO d'Alice au Pays des Merveilles, version Disney (1951), signée Oliver Wallace. Deux extraits dans ton lecteur, à gauche : le Theme, brillant, mais un peu commercial pour du Elfman, et The Cheshire Cat, parce que ça a toujours été mon personnage préféré du conte.