Pas un mot plus haut que l'autre, c'est un peu la politique du "on ne peut plus rien dire dans cette société de merde". Y'a qu'à voir à quoi ressemblaient les débats télévisés et les interviews dans les années 70 : on disait les choses, un peu cash s'il le fallait, parce qu'au bout d'un moment, ça suffisait, hein. En tout cas, je reste nostalgique des débats où on ne ménageait pas le spectateur. Ca l'éduquait, au moins.
Le hic, c'est qu'on ne s'est pas attaqué au bon problème. Aujourd'hui, dire "racaille", "vieux débris", "pédé" ou "négro", c'est passible d'amendes lourdes parce que c'est pas gentil. Alors on interdit de dire tout ça. Encore une fois, on prend les gens pour des demeurés. Ou ce sont nos parlementaires qui sont demeurés.
Dans mon monde bisounoursoïde où je ne me suis pas mis dans une vraie colère noire depuis ... oh, bien dix ans, maintenant (je cultive mon ulcère) ... Dans ce joli monde, donc, on n'interdirait pas l'usage des mots, mais le ressentiment qui l'engendre. La cause plutôt que la conséquence. Je sais bien qu'on ne peut pas contrôler les esprits (liberté de penser chérie !), ni les émotions (ce serait so Equilibrium), et je ne le souhaite pas, mais on devrait tout simplement faire en sorte que ce genre de pensée n'ait pas lieu d'être. Médiation, promotion, anti-lobbyisme. Tolérance absolue, en somme.
Parce qu'au fond, les Blacks s'appellent parfois "Négro" entre eux, le milieu asso-homo se prend à parler de lui en utilisant l'adjectif "trans-pédé-gouine", et "vieux débris" est le surnom gentil que ma grand-mère adressait parfois à son frère. Ca me rappelle un peu un guide de Max Donzel. C'est pas tant une histoire de mots, finalement, mais de contexte. Ici, chacun l'a utilisé affectueusement pour désigner quelqu'un qui est dans le même cas que lui : une sorte de communauté de la stigmatisation, un point commun dont on détourne l'usage méchant pour en faire une gentillesse affectueuse. Comme disait Desproges, "on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde" : le jour où l'on rira tous ensemble de nos différences sous le signe de la tolérance, on pourra sans doute abroger ces lois. En attendant, il y a du boulot sur la question du respect de la différence.
Mais bon, dans l'optique où on ne sait pas encore éduquer les masses (bien que la télé, lentement mais sûrement, fasse son boulot de banalisation)(d'ailleurs, à quand des musulmans sympathiques dans Plus belle la vie ?), on va donc s'en tenir à l'interdiction de l'insulte, quelle qu'elle soit. Et d'ailleurs, une nouvelle campagne de sensibilisation est sur le point de nous expliquer à quel point c'est mal de dire de mauvaises choses.
L'artiste, c'est Benoît Peyroux. Tu peux voir un peu plus de son travail sur son site.