Tu t'es sans doute déjà dit que, si tu devais prendre un groupe de personne à un instant i et reprendre le même groupe à un instant i + 2 ans, tu t'amuserais grandement de tous les changements. Les situations professionnelles, les couples, les sentiments, les projets, les envies, les enjeux ... Tout tourne, et c'est pas plus mal.
C'est un peu le filon juteux exploité par tous les mauvais réalisateurs de suites de comédies, à la "20 ans après" : des adultes bercés trop près du mur et/ou nourris à Place des grands hommes de Bruel. Et puis, tu en as quelques uns qui s'intéressent vraiment à ce que ça donne. Souvent, ils passent par le théâtre. C'est le cas d'Eric Assous, qui signe avec Les hommes préfèrent mentir une pièce drôle, cinglante, légère, bref : bien vue.
Le sujet n'est pas très neuf (le triangle amoureux), mais c'est bien mené. L'homme et ses travers (les femmes, l'argent, la peur de la différence, la couardise), la femme et ses rigidités (le couple, l'attente, le manque de réalisme, les promesses) : on n'est pas perdu dans les conceptions, mais on s'amuse de les voir malmenés. Les personnages ont des profils bien cernés, campés par des comédiens rompus à l'art des planches : le résultat est sympathique, un bon moment de détente, où l'on rit beaucoup et pour de bonnes raisons.
Voilà l'idée. Un soir, Simon (François-Eric Gendron), psychologue quadra à l'aise, rentre chez lui dans le but de parler à sa housewife Olivia (Véronique Boulanger) pour lui dire qu'il la quitte. Sauf que ... Olivia a prévu un dîner dans le but de caser sa bonne copine Aurélie (Juliette Meyniac), simple, délurée, le coeur sur la main, avec un des potes de son mari, Sam (Cyrille Eldin), vendeur au Printemps, ou Richard (Manuel Gélin), homme d'affaire sans scrupules. Simon ne se sent plus de tout déballer à sa femme. Petits rebondissements : Sam s'avère être un homo refoulé et Richard débarque avec une poule, Madison (Murielle Huet des Aunay), qu'il a épousé à Vegas quelques jours auparavant. Cerise sur le gâteau, une certaine Anne-Catherine (Caroline Maillard) débarque à l'improviste, découvre un ventre arrondi, et somme Simon de parler à sa femme.
Deuxième acte : deux ans et trois mois plus tard, mêmes protagonistes. Simon a épousé Anne-Catherine, ils reçoivent leurs amis pour les 2 ans de leur fiston. Débarquent donc Richard et Madison, le premier, ruiné, vivant grâce au fric de la famille de la seconde, et ... le couple Sam et Aurélie, aussi simple qu'improbable. La déco a changé, Olivia s'amuse de la situation, mais il n'y a pas que le décor qui a changé. Les hommes et les femmes sont restés eux-mêmes. Olivia, droite, lucide, cynique, continue de ne pas se faire marcher sur les pieds et de plumer son ex-mari. Anne-Catherine, rêveuse, accrochée au bonheur et amoureuse, profite de son statut. Aurélie croit avoir atteint le nirvana en contemplant son couple si heureux dont elle a tant rêvé. Madison, moins jeune, oins complaisante, continue à se laisser séduire par les hommes influents, ce que son Richard n'est plus ... Justement, Richard continue à fantasmer sur sa poule, mais à ne chercher que l'argent. Sam aime tendrement son Aurélie, mais continue à coucher avec des mecs, en cachette. Et Simon ... il continue à chercher l'amour ailleurs que dans les bras de son épouse.
Eric Assous réussit à nous faire (sou)rire sans interruption pendant 1h30. Le scénario consiste en une succession de règlements de comptes entre amis, entre amants, entre maris et femmes. Les petites vérités, coups bas et grandes révélations se succèdent, sans oublier l'indispensable comique de situation. Les réparties sont cinglantes, les confrontations prévisibles mais bien menées, les jeux d'alliances se font et se défont avec souplesse et sans choquer le bon sens du spectateur. Bien vu, j'te disais.
La mise en scène est signée Jean-Luc Moreau qui, s'il en avait fait des caisses dans Chat et souris, s'était bien rattrapé avec Les belles-soeurs (bon, ça tenait sans doute au scénario, aussi ...). On reste dans la bonne direction : les acteurs n'en font pas trop, on croit vraiment à ces réglements de comptes en cascade dont on s'amuse, sur un ton aigre-doux. Même Gendron (Simon), d'habitude à claquer vu sa personnalité, est supportable alors que son rôle nous donne envie de le gifler. Une bonne comédie.
Un clap clap spécial à la créatrice des décors, Stéphanie Jarre, qui sert un salon d'appartement cossu qui évolue magiquement entre les deux actes, à coup de parois tournantes et de mobilier découvert, passant de l'appartement austère dû à Olivia à un appartement plus feng shui propre au tempérament d'Anne-Catherine.
Bref : une petite comédie sympathique à ne pas rater, et vite !
Les hommes préfèrent mentir
au Théâtre Saint Georges
jusqu'au 24 avril
Infos/Résa : 01 48 78 63 47.
Et tu feras un coucou à Murielle de ma part, ça lui fera plaisir !