Les copines, c'est sacré.
La solidarité féminine, c'est quand même un joli concept. Tu vois, les copines, ça endure tout, ça essaie tout, ça encourage tout. Sauf quand ça la joue perso. Quoi de mieux que la maternité pour mettre de la distance entre deux meilleures copines ? C'est, de loin, l'idée de base sur laquelle a oeuvré Leslie Bevillard dans sa pièce Complètement givré(es), présentée au Théâtre des Blancs Manteaux.
Nat', c'est la fille qu'on jalouse. Jolie, rusée, ambitieuse. Elle vient d'ailleurs de rater présenter sa première météo juste après le JT de Pernaut. Et le week-end prochain, elle se marie ! Youhouuu ! Bon, du coup, ses deux meilleures copines, Elsa, femme de footballer enceinte jusqu'aux yeux, avec pour seule envie les signes extérieurs de richesse, et Vic', styliste lesbienne qui se croit avant-gardiste, amoureuse de Nat', lui organisent une soirée-entre-filles surprise. Elles se retrouvent toutes les deux chez Nat', commencent à préparer, veulent se servir un verre, ouvrent le congélateur et ... HORREUR : un bébé ! Un vrai cadavre ! #berk Quand Nat' arrive, c'est le malaise ... jusqu'à ce qu'elle découvre aussi l'enfant ! Qui l'a mis là ? Qui avait les clés et a caché son jeu ?
Pas de méprise : l'enquête policière ne dure qu'une minute. Non pas que le (ou la ...) coupable soit démasqué(e), non non, c'est juste que ces filles sont incapables de se concentrer plus de 5 minutes, tant elles ont partagé, tant elles ont a se rappeler et tant elles ont à balancer. Ca fuse tout le temps, c'est festival ! Des coucheries de la fac' au chantage affectif en passant par des visions de la vie bien différentes, les caractères des trois poupées explosent entre rires, hystérie, colère et courses-poursuites. Les comédiennes, faut le dire, se donnent à fond. Onna Clairin, physique avantageux moulé dans une robe rouge vif, joue une Nat' carriériste et implacable. La comédienne détonne, en plus de capter le regard, et rebondit à merveille sur les réactions du public. Elle est le bijou de cette petite pièce. Cybelle Villemagne, engoncée dans de l'imprimé léopard, les épaules traînantes et l'air niais, fait d'Elsa une opportuniste de génie. Hyper expressive dans son visage, elle est pourtant limitée par ailleurs : peur, rire et incompréhension sont les trois seules émotions qu'elle porte. Si son jeu manque de finesse, c'est sans doute la faute du scénario... Ambre Ferrante, enfin, cachée sous une tenue ultra-voyante et des lunettes fantaisie (idéal pour les clichés du personnage), incarne Vic', la lesbienne en mal d'amour. Si son personnage est en souffrance du début à la fin de la pièce (la seule perdante de l'histoire !), la comédienne lui donne son répondant agressif et sa susceptibilité amusée, mais ne guère faire plus. Le personnage est-il trop limité ou la comédienne manque-t-elle de justesse ? Hum... Et parce qu'une vidéo vaut tous les mots du monde ... (fais une petite analyse d'écriture, tu vas comprendre)
Le résultat ? Une énergie débordante, du comique de situation en-veux-tu-en-voilà, quelques bonnes répliques bien senties, ça cours, ça crie, ça chante. Autant dire que visuellement, ça bouge, sur scène. Pour le reste, on notera la faiblesse du scénario, la vision étriquée de la féminité (talons hauts et crêpage de chignons), le manque de nuance du jeu d'acteur. Moi, j'ai souvent souri, mais pas vraiment ri, j'avais un peu l'impression d'être devant une bande de lycéennes pas bien malignes. Pas la peine de vous précipiter : le succès de la pièce est bien relatif, sans doute parce qu'il faudrait affiner cette judicieuse idée de départ, car au final, seuls les deux premiers rangs de la petite salle voûtée du théâtre étaient remplis.
Complètement givré(es) - Théâtre des Blancs-Manteaux (Paris 4e) - Lun-Mer 20h - 20€