"Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde..."
Cet été, j'ai compté mes renards. Les vrais. Les apprivoisés.
Ils se sont manifestés au moment où j'en sentais le besoin, alors je les ai comptés. Et désormais, je sais qui sont mes renards. Les autres, que je croyais apprivoisés, ils sont retournés au sein des cent mille. Ils n'ont pas besoin de moi, je n'ai pas besoin d'eux.
Maintenant, je vais chercher une rose. Aux deux mille roses dans le jardin, je dirai : "Vous êtes belles, mais vous êtes vides. On ne peut pas mourir pour vous. Bien sûr, ma rose à moi, un passant ordinaire croirait qu'elle vous ressemble. Mais à elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c'est elle que j'ai arrosée. Puisque c'est elle que j'ai mise sous globe. Puisque c'est elle que j'ai abritée par le paravent. Puisque c'est elle dont j'ai tué les chenilles (sauf les deux ou trois pour les papillons). Puisque c'est elle que j'ai écoutée se plaindre, ou se vanter, ou même quelquefois se taire."
Ce sera ma rose.