Paul Taylor, à demi-mort.
Après deux pièces dont on retient plus la construction scénographique ou le physique (TRES avantageux) des danseurs que le discours gestuel, tant celui-ci semble étroit, simpliste, parodique ; après deux pièces d'arabesques bâclées, de pointes de pieds mal tendues et de genoux qui tremblent, de sourires forcés, de mains ouvertes et de petits sauts entre GRS et patinage artistique (sans patins) ; après deux pièces, donc, où le peu d'ambition de la danse te fait regretter tes 45€, et où tu plains les danseurs qui semblent excellents mais réduits à des gestes basiques, la PTDC interprétait Beloved renegade, une pièce de 2008 narrative, habitée et - à peu près - bien interprétée.
Paul Taylor est souvent très premier degré : hier soir, Brandenburgs évoquait juste la légèreté qu'inspirent certains concerti de Bach, The uncommitted montrait les rapports entre la masse et l'individu. Rien de bien habité, pas de discours en sus, non : juste le mouvement des corps séparés et du corps d'ensemble. Beloved renegade, par contre, s'inspire du recueil Leaves of Grass de l'Américain Walt Whitman (1819-1892), et, en particulier, du long poème Song of myself.
Evoquant le chemin d'un homme, soldat parmi les soldats, Beloved renegade mène le spectateur le long d'une histoire où se mêle la vie frémissante d'une jeunesse lumineuse, la douleur froide du front où tombent les hommes, la légèreté amère de ceux pour qui la vie continue, la descente finale dans les ténèbres, le deuil, et l'incroyable pulsion de vie qui fait que, quoi qu'il en soit, l'optimisme est partout. Les amis, les soldats, l'amoureuse, la Mort elle-même : notre homme vit, trépasse et revisite, par de chouettes chorégraphies symboliques et au geste épuré, les émotions palpables d'une danse qui parle de nous. C'est beau.
I bequeath myself to the dirt, to grow from the grass I love, if you want me to again, look for me under your boot-soles.