German, l'Espagnol.
Il y a les amours pleines de félicité qui donnent naissance à la mièvrerie pleine de petits poneys et de nuages en forme de coeur. A l'opposé, il y a les amours déçues qui mènent au
désenchantement le plus sombre, lui-même créateur de pépites. Le chorégraphe German Jauregui a livré, hier, aux June Events (La Cartoucherie, Vincennes), Sunset on Mars, une pièce d'une heure,
100% danse contact, à la gestuelle simple et maîtrisée, et aux interprètes miraculeux.
Un océan. A perte de vue, un sol de
livres ouverts dans un univers noir. Des milliers de pages comme seuls miroirs pour la lumière. Des mots par millions, des informations, des histoires, des choses à savoir, à comprendre,
à ressentir. Un homme qui n'est plus que l'ombre d'un homme : incapable de se tenir debout, muet, perdu dans ses pensées (en voix off), rampant presque dans cette mer de mots inertes,
ne parvenant pas à trouver le repos. Une femme détrempée, à la parole onirique, insensée, debout, aveugle, une oasis sonore dans le désert muet de la surinformation.
Ils se rencontrent, mais ils se croisent. Ils se touchent sans cesse mais ne se communiquent aucune chaleur. Ils se touchent, mais du dos de la main. Sans tendresse. Ils se tiennent, mais jamais
en même temps. Leurs visages ne s'alignent jamais. Leur regard ne se croise jamais. Ils sont là l'un avec l'autre, mais jamais l'un pour l'autre. Ils s'empêchent de tomber, comme s'ils
s'empêchaient de mourir. Avec tension, de justesse. Tous les deux, ils ressemblent à deux être épuisés. Qui se trouvent pour ne partager que l'amour moderne, un amour arrivé au bout de son
évolution, déjà éreinté, fâné, sans plaisir ni douceur. Se toucheront-ils vraiment ? Leur premier vrai regard sera-t-il celui du dégoût ?