En 2005, Clement Greenberg rédigeait un texte appelé "Avant-garde and kitsch" qui m'a donné des orgasmes intellectuels (environ un par paragraphe)(ou presque). Et comme j'aime partager mes orgasmes, je ne résiste pas à t'en donner un peu :
The peasants who settled in the cities as proletariat and petty bourgeois learned to read and write for the sake of efficiency, but they did not win the leisure and comfort necessary for the enjoyment of the city's traditional culture. Losing, nevertheless, their taste for the folk culture whose background was the countryside, and discovering a new capacity of boredom at the same time, the new urban masses set up a pressure on society to provide them with a kind of culture fit for their own consumption. To fill the demand of the new market, a new commodity was devised : ersatz-culture, "kitsch", destined for those who, insensible to the values of genuine culture, are hungry nevertheless for the diversion that only culture of some sort can provide.
Kitsch, using for raw material the debased and academicized simulacra of genuine culture, welcomes and cultivates this insensibility. It is the source of its profits. Kitsch is mechanical and operates by formulas. Kitsch is vicarious experience and faked sensations. Kitsch changes according to style, but remains always the same. Kitsch is the epitome of all that is spurious in the life of our times. Kitsch pretends to demand nothing of its customers except their money - not even their time.
Comme j'ai pitié de ton niveau d'anglais, je te propose ma traduction (qu'elle est pas trop mal, j'trouve) :
Les paysans qui, s'installant en ville, devinrent prolétaires ou petit bourgeois, apprirent à lire et écrire dans un but d'efficacité, mais ils n'y gagnèrent pas le confort et le temps libre nécessaires pour jouir de la culture urbaine traditionnelle. Perdant, toutefois, le goût pour le folklore, originaire de la campagne, et découvrant en même temps leur capacité nouvelle à s'ennuyer, les nouvelles masses urbaines mirent la pression à la société pour qu'elle leur fournisse un type de culture propre à leur consommation. Pour combler la demande de ce nouveau marché, on mit au point une commodité : l'ersatz de culture, le "kitsch", destinée à ceux qui, insensibles aux valeurs de la véritable culture, ont malgré tout faim de cette diversion que seule une culture quelle qu'elle soit peut apporter.
Le kitsch, utilisant comme matière première le simulacre académicisé et dégradé de la véritable culture, accueille et encourage cette insensibilité. Elle est la source de ses profits. Le kitsch est mécanique et fonctionne par formules. Le kitsch est fait d'expériences par procuration et de fausses sensations. Le kitsch varie selon le style, mais reste toujours le même. Le kitsch est l'incarnation du fallacieux de notre époque. Le kitsch prétend ne rien exiger de ses consommateurs, sinon leur argent - même pas un peu de leur temps.
La thèse, tu seras d'accord, est dure : le kitsch - qui n'est pas la culture populaire dans son ensemble, juste une de ses composantes principales - est une sous-culture, une culture de haut de niveau vulgarisée pour se mettre au niveau du public qui en réclame des bouts. Point intéressant : les masses ne se plaignent pas de cet état de faits (un poil condescendant dans sa présentation, quand même) ; au contraire, elles laissent l'intellectuel à ceux qui s'en repaissent pour mieux profiter de leur culture "de masse", celle de tout un peuple, une culture élargie, touche-à-tout, ouverte au monde et à ses influences (même si ces influences sont toutes passées dans la même machine, histoire qu'on s'y retrouve).