Gaspard, laisse tomber.
Le problème, quand tu fréquentes des littéraires - qu'ils soient lecteurs compulsifs ou écrivains de tout poil - c'est que tu ne peux pas échapper aux références. Autant pour les obscurs auteurs passés à la gloire avec leur unique livre pas encore traduit en français, tu es excusé, autant quand il s'agit de la littérature européenne XIXe ou américaine XXe, tu as intérêt à t'être accroché à quelques pavés verbeux pour tenir la conversation.
Tu n'imagines pas à quels efforts mon anticonformisme de principe m'a contraint pour éviter certains auteurs tellement adoubés que ma participation à leur gloire n'était et n'est toujours pas vraiment nécessaire. Et puis, des auteurs-incontournables-comment-ça-tu-n'as-pas-lu-tout-Salman-Rushdie-?, il semble en pousser de nouveaux dans chaque esprit lettré. Alors, au final, j'adoptais la posture la plus socialement appréciée, celle du "non, je ne l'ai pas encore lu... Tu en penses quoi, toi ?". Parce que demander l'avis de son interlocuteur-qui-connaît-Flaubert-par-coeur, c'est la meilleure façon de lui faire plaisir. Maudits intellectuels.
Toujours est-il que certains auteurs, portés aux nues de la glorieuse littérature la plus fabuleusement-génialissime-sérieux-t'as-vu, piquent furieusement ma curiosité. En général, je louvoie, encore et encore, aveuglant mon envie de prendre tout Kerouac à coup de Oh-tiens-les-Mémoires-de-Marguerite-de-Valois. (A snob, snob et demi...) Mais parfois, le besoin de découvrir cet auteur incroyable-qu'à-bientôt-trente-ans-il-est-in-dé-cent-de-n'avoir-encore-jamais-lu est si fort que ... je craque. Alors, n'y tenant plus, je parcours les 4e de courverture à la recherche d'un thème ou d'un décor qui me fasse saliver, espérant être séduit par ce petit opus de 100 pages, parce que celui d'après, il est en trois tomes. J'était tombé dans Dostoievsky via Les nuits blanches, en évitant de justesse Crime et châtiment. Là, l'étau des adulateurs de Proust-le-Grand semblait de plus en plus resserré. Encore récemment, on m'avait assuré que j'allais tomber amoureux de Marcel rien qu'en lisant trois pages ("ça correspond à trois phrases, tu sais, il adore faire des phrases longues").
Dans le rayon "roman anglophone", il y a quelques mois, j'ai trouvé, édité par Penguin Books, avec une jolie couverture en relief, un petit bouquin intitulé Days of reading. Format rassurant, 4e aguicheuse, et double possibilité de personnal branling : le texte est en anglais ET ce n'est pas A la recherche du temps perdu. Days of reading, c'est un peu Marcel-Proust-pour-les-fainéants : le petit volume réunit une demie-apologie de John Ruskin, à la recherche de son fonctionnement esthético-intellectuel, et quelques écrits nostalgiques sur la période de l'enfance et la lecture. Un regard synthétique qui frise la parodie, tant ça respecte la légende dorée autour d'MP. N'empêche, je suis impressionné : la traduction en anglais est brillante, quasi solaire... à croire que Proust mérite bien son piédestal, puisque la beauté de sa langue résiste aux errances de la traduction.
In death he continues to enlighten us, like those extinguished stars whose lights still reaches us, and it can be said of him what he said when Turner died : "It is through those eyes, closed forever in the depths of the grave, that generations yet unborn will see nature.".
In a certain sense, and whatever compensations, on this same ground of poetry, it may be preparing for us, love depoeticizes nature. To man in love, the earth is nothing more than "the carpet for the lovely child's feet" of his mistress, nature nothing more than "her temple".
There is no false amability with books. If we spend the the evening with these friends, it is because we genuinely want to.
He recites the names of all those men of his own generation dead before their time.