das Abschied : l'adieu.
Ah oui, autant de prévenir tout de suite, ça va pas être funky funky, c't'article.
Jusqu'à samedi soir, au Théâtre de la Ville (Paaaaaaris), y'a un drôle de spectacle qui se trame sur scène. Treize musiciens, un chef d'orchestre, une mezzo-soprane, deux chorégraphes ... Une compo assez étrange pour un programme. Attention, hein, que des grands noms : l'ensemble Ictus (Opéra de Lille) dirigé par G-E Octors, Sara Fulgoni, J-L Fafchamps (au piano), Anne-Teresa de Keersmaeker, Jérôme Bel. Le tout, sur l'Abschied, THE morceau poignant de la fin de Das Lied von der Erde de Mahler. Ouais, alors je sais, tout ça ça fait un peu érudit, alors on va en venir aux faits, et en finir avec ce name dropping.
En gros, ATK voulait chorégraphier un morceau de musique qu'elle trouvait joli : l'Abschied. Un truc effectivement magnifique, tout dans l'espoir et le tragique (dans le désordre), dans la retenue et l'intensité ... un truc que si tu l'écoutes attentivement, et que tu le ressens un peu, ça te fait des noeuds à l'estomac tellement c'est beau. (C'est clair, là ?)
Allors ATK, elle demande à un des plus grands chefs d'orchestre du monde, Birenbaum. Lui, il lui dit "C'est toujours pareil, avec les chorégraphes. Il y a tant de belle musique écrite pour la danse au début du XXè (ndlr : et il a raison : Satie, Stravinsky, Bartok, Ravel, tout ça), il faut toujours qu'elle reste au placard et qu'ils choisissent des morceaux faits juste pour la musique". Un poil décontenancée, ATK se retourne vers son non-homologue d'outre-Ardennes Jérôme (connu pour ne pas danser mais faire croire que c'est de la danse quand même : ça s'appelle la non-danse)(le minimalisme, si tu préfères)(un genre de posture intellectuelle imposée au mouvement)(c'est très art contemporain). Ensemble, ils tentent le tout pour le tout.
Ca, c'est ATK (si, c'est une femme, si), qui essaie de faire croire qu'elle sait ce qu'elle fait.
Erste Übersetzung
Les treize musiciens en arc de cercle, leur chef d'orchestre devant eux, la mezzo-soprano parmi eux, et ATK qui danse autour, à côté, sur, contre, avec, sans ou pas du tout avec eux. C'est un chouilla étrange : pas de décor, pas de costumes (et un orchestre en jean, ça fait quelquechose ...) et la danse d'ATK à la limite de l'impro. Elle utilise des dynamiques brisées, des retournés, ça s'arrête, ça reprend doucement ... on la sens très fine, très dans le ressenti, dans l'instant, et le tout donne une sorte de vérité : elle va mourir, sa danse meurt avec elle. La musique se fait ensuite plus légère, plus remplie d'espoir, et paf, ATK reprend de l'aisance, de la liberté, de la légèreté (aussi, oui). Au final, sa danse accompagne la musique, illustre la musique, mais ne lui donne pas de dimension supplémentaire. Bel, qui débarque sur scène à la fin de ce premier Abschied, le dit d'ailleurs : il manque quelquechose.
Zweite Übersetzung
Musiciens, décors, costumes : tout pareil. ATK n'intervient plus, Bel démontre ses théories. Il évoque l'Abschied Symphonie, qui voyait tous les musiciens arrêter de jouer et quitter la scène un par un, laissant la musique s'éteindre peu à peu, et propose de montrer ce que ça donne. Et bien ... c'est assez original. Mais il veut aller plus loin : l'Abschied de Mahler, c'est pas le départ, c'est la mort. "Mais pas seulement la mort, c'est l'acceptation de la mort". Et voilà nos treize musiciens + mezzo qui reprennent le même morceau, et qui s'écroulent, les uns après les autres, laissant la salle dans un silence aussi incroyable que circonspect. La musique devient ici contitutive d'un concept, c'est beau, mais gentiment intellectuel. D'ailleurs, deux vieilles viennent de quitter la salle. (Connasses ...) Mais l'idée est là : si cette musique nous dit de mourir, alors mourons. (le barbiturique n'est pas fourni)
Dritte Übersetzung
Out les musiciens, ne restent que leurs chaises et les pupitres. Et le pianiste. Et ATK. Bel nous explique : alors qu'ils bossaient avec l'ensemble, ATK et le pianiste et Bel oeuvraient en loucedé sur une version intimiste très ... personnelle. Le pianiste jouait l'adaptation d'Abschied au piano (si si, je t'assure), ATK dansait et ... chantait. Les yeux fermé, le visage empli d'expression, faisant vibrer la douleur, la fatalité, la renaissance, ATK exécute cette même danse coupée, vive et comme épuisée, tournante et tombante, comme une lutte contre la chute finale, que l'on accepte résigné, avant de renaître, plein d'espoir, en envisageant que le monde continuera sans nous. C'est ... prenant. Tes tripes se triturent, ton esprit se tend, tes yeux mouillent un peu, et ton cerveau - qui se dit que bon, quand même, c'est un peu tiré par les cheveux - se met à compatir, à comprendre, à se laisser aller à un peu de douleur. La musique s'éteint, ATK s'avance, et pose ce regard flippant sur le public, ce regard vide de tout dans ce corps vide de tout, et tu as alors conscience que tu n'as plus une artiste, devant toi, mais une morte. Ben ... wouhou, ça te laisse pas de glace, hein.
Alors alors alors, est-ce que ça vaut le coup ?
Oui et ... non. Oui parce que l'expérience est assez dérangeante, et que c'est chouette, l'art qui dérange. oui parce que la musique est belle. Oui parce que c'est grisant de se sentir plongé dans la genèse d'un spectacle, dans le bain sensoriel et créatif de tous ces esprits qui n'ont pas peur de se coller des émotions fortes (un peu déprimantes) pour la beauté de l'art. Mais ... non parce que, côté danse, on reste sur sa fin (en fait, elle devient secondaire, quasi absente, on dirait une petite danse de fin, comme si on épuisait ce qu'il reste d'énergie dans le corps avant de se laisser mourir)(joyeux, hein ?). Ca fait plus de ouis que de nons. Après, c'est toi qui vois.
^ ATK en pleine sieste. La mort, c'est épuisant.
3 Abschied, 3 Adieux, 3 sans. 300.
3Abschied
au Théâtre de la Ville
(dans le cadre du Festival d'Automne)
jusqu'au 16 octobre 2010
info/résa : 01.42.74.22.77 ou ici, petit geek.
PS : public enrhumé-parce-que-c'est-l'automne, je te conspue. Tu as passé ton temps à tousser, à te racler la gorge, à renifler, alors que la musique est si belle, que le spectacle demande une attention énorme, une sensibilité accrue, une compassion de chaque instant, et que toi, avec tes râles et des miasmes de vieux, tu as tout désacralisé. Public du Théâtre de la Ville, je te vomis. Retourne finir tes jours dans ton "appartement" qui te servira de maison de retraite, restes y, allume ta télé, et fous la paix à ceux qui font des efforts pour ne pas hurler contre toi ou contre ATK.