Toutes les filles (y) sont belles.
Je n'ai pas aimé Burlesque, le navet qui faisait croire que Christina Aguilera est une actrice et que Cher a plus de trois expressions faciales. Je n'ai pas aimé Tournée, dont la narration morne n'apportait rien à la splendeur des numéros des filles. Je n'ai pas aimé Crazy Horse, le docu raplapla (mais joli) sur le mythique cabaret éponyme. Par contre, j'ai une passion pour l'univers du cabaret. Pour cet environnement interlope, underground, où la sensualité le dispute à la classe. Les éditions du Chêne ont compris que j'en pinçais pour ça ... et m'ont proposé deux beaux livres rien-que-pour-moi. Débrief en guise de remerciement, parce qu'ils ont pas mal tapé juste.
# CRAZY Inside / Photographies d'Antoine Poupel, textes de Corinne Decottignies
Depuis quelques années, on assiste à la floraison d'éloges sur le renouvellement des cabarets de danse exotique. Le Crazy reboosté par Arielle Dombasle ou Decouflé, le Moulin Rouge qui fait sa révolution (et un film avec Nicole Kidman)... L'art de l'effeuillage élégant, surfant sans doute sur la fin de la vague du porno chic, fait un retour fracassant. Faut dire que de très belles choses s'y cachent, et certains, fascinés par le milieu, s'y sont pas mal attardés. C'est le cas d'Antoine Poupel, dont je te laisse découvrir l'univers sur son site. Place à Crazy Inside.
Les photos sont superbes. Parfois, elles sont symboliques : une perruque carrée, rose, accrochée au mur, dans une pièce vide, et l'on ne peut pas ne pas penser au Crazy, parce que le cabaret bénéficie du poids de ses mythes. Il s'incarne dans chaque élément : un couloir, une salle, une lumière, tout respire le Crazy. Parfois, les photos sont poétiques : le rouge coulant le long d'une hanche sur scène, un talon enfilé devant une glace, un regard pris à la dérobée sur un divan... Antoine Poupel saisit avec une finesse remarquable tout ce qui fait du Crazy Horse un temple incontournable de la célébration de la femme et du désir : l'alliance du frisson pudique et de la libido brûlante, la danseuse icônique et la sacrifiée sur l'autel du stupre. Mais au delà de l'image léchée d'une beauté calibrée, c'est aussi l'envers du décor, les répétitions, les moments d'absence et la préparation des artifices, dans une atmosphère ouatée et délicate que le père Poupel nous présente. On est ici sans y être, le spectateur est une ombre qui s'imprègne, dans tous les moments de la vie du Crazy Horse, de l'atmosphère pourtant tendue et nerveuse qui règne dans l'antre des plus jolies filles de Paname. A ses côtés, quelques textes ciselés de Corinne Decottignies, que je suis quand même un peu jaloux de son sens de la prose. Ensemble magnifique.
# Be Burlesque / Chris Do Carmo, Franz von Berlin, Lorenzo LaMotta, photographies de Soazig Le Bozec
Finies les filles skinny, fini le nu intégral, fini le strip-tease : place au jeu, aux formes et à la chaleur de filles plus pudiques, mais plus délurées ! Le burlesque, on n'en savait bien peu. C'est Amalric, peut-être, et Cannes, très certainement, qui ont donné, grâce à Tournée, un élan de sympathie au burlesque. Mais comme on en ignore tout, peut-on s'attabler dans un endroit intimiste et un peu vieillot pour regarder ces filles jouer avec notre libido, avec le bon goût, avec la sensualité ? Clairement pas. Be Burlesque, par le biais de l'oeil de Soazig Le Bozec et de la fine équipe d'écrivains, est fait pour nous : il va nous en ouvrir les portes.
Ici, point seulement de jolies photos : c'est tout un dictionnaire, tout un bottin mondain ! On découvre, au détour des pages, des personnalités étonnantes : Sucre d'Orge en Marie-Antoinette pure comme du lait, cachée derrière ses éventails, Miss Glitter Painkiller, au regard de poupée, se jouant de ses porte-jarretelles, la magnifique Dyna Dagger, dont le regard de velours élève encore sa beauté troublante... mais aussi The Correspondents, deux musiciens étonnants, le multi-facettes Brian Scott Bradley, ou les délurés Bart & Baker. Entre deux interviews portant sur la portée du burlesque et son incarnation, l'ouvrage retrace en quelques pages l'histoire de la discipline, évoque ce qui entoure les spectacles (accessoires, costumes, corsets, nippies, ...) et dévoile quelques "écoles" de burlesque. Un tour d'horizon sans doute incomplet, mais déjà très approfondi, très pertinent, une plongée dans ce milieu délicat, vibrionnant, glamour à souhait, et si la plastique des filles est à des kilomètres des critères Miss France, leur beauté sensuelle et lumineuse éclaire chaque page de Be Burlesque. L'intelligence des propos transpire au travers des réponses amusées. Vraiment, l'ouvrage est un excellent cadeau pour quiconque est intrigué par les paillettes et la drôlerie de l'exercice.
Les deux ouvrages sont disponibles en librairie, mais aussi sur le site des Editions du Chêne.
(merci, Amélie !)