Parlons de la mort ... mais sans être sérieux.
Non, c'est vrai, j'avoue, je suis quelqu'un de grave, de très sérieux, dans le quotidien. Limite pas fun. Mais en fait, les gens qui me connaissent supportent savent aussi que je suis un gros blagueur, au sarcasme lolesque et à l'humour ravagéur. Et donc, quitte à parler de la mort, autant être léger, hein. Etre grave ne changera pas grand chose à la donne. Alors, en gros, on envisage souvent la mort comme une fin tragique parce qu'on est séparés, comme une renaissance dans un monde meilleur parce qu'on est optimiste, ou comme un sport rock'n roll quand on joue les faucheuses (voir cet extrait de Bienvenue à Zombieland). Si l'on ne réfléchit pas à la signification spirituelle de la mort, mais juste à la symbolique dont on l'habille, on peut déjà davantage rigoler. Tu vois, côté "personnification de la mort" par exemple, la faucheuse est l'image-type, avec sa grande tenue ample, noire et un peu déchirée, le visage couvert et le corps pâle... image reprise dans la plupart des personnages incarnant la destrcution et la mort (Ghostface, Dark Vador, la méchante dans Blanche-Neige ...) ; et côté "rite de passage", tu connais cette histoire de lumière blanche au bout du tunnel ... bon, je pense qu'il faut relativiser, c'est, à mon avis, une histoire de demi-sommeil (qui n'est pas sans me rappeler cette scène de Kaboom). Dans tout ça, on ne peut imaginer la Mort (quelle que soit sa forme, personnifiée ou non) que comme quelque chose de sérieux, un truc qui ne te loupe pas, un truc impitoyable. Là, tu te dis que je vais parler de Destination Finale 5 ? Non non.
Je veux te parler de Franck et Caroline. Ils sont jeunes, ils sont ensemble, ils vivent ensemble ... et donc ils se tapent sur le système. Franck est au chômage, Caroline est comédienne, ils vivent dans une cave, on est loin de la romance qu'on nous sert d'habitude. C'est simple : ils en sont arrivés à délimiter avec du scotch une zone de démarcation entre "la zone Caro" et "la zone Franck". Un couple en fin de vie ? Hmmm ... peut-être pas, si la Mort s'invite chez eux. Sauf que la Mort, en l'occurence, n'est pas cette forme vespérale impitoyable, mais un personnage avec des sentiments, de l'humour et une gaucherie über-lolesque (comprenne qui pourra). Et la Mort va mettre Caro et Franck à l'épreuve ... Ca, c'est le pitch de Si je t'attrape, je te mort !, pièce d'Olivier Maille, qui se joue actuellement au théâtre des Blancs-Manteaux (Paris).
Imagine la Mort, 1m80, bagou de malade, regard joueur, t'expliquer ça : "On a eu un bug en 2003, à cause d'un hacker, du coup on ne savait plus qui devait mourir et quand ... alors on a peut-être un peu abusé, on a fait une petite canicule ... Et les gens ils disaient "Fait chaud ! Ouhh, fait chaud !" et nous, on montait, on montait !..." Ouais, ça a la classe, ouais. Dis-toi bien que tout le texte, signé Maille, est sur ce ton, entre le bouffon et le référencé, entre le macabre et le léger, entre le glauqye détourné et le fun décalé.
"Ben non, mais elle en rajoute, là ... Tristane Banon, va !"
Olivier Maille signe donc le texte, mais aussi la mise en scène. Le décor est simple (contrainte du théâtre qui les accueille, mais sans doute AUSSI choix artistique), deux chaises, une table d'échec, deux sorties de fond de scène (les chambres), deux sorties latérales, et dans ce huis clos où les esprits s'échauffent, les trois acteurs (de ce soir-là) donnent un show paroles, son et lumières plutôt chiadé. Franck, mesquin, grande gueule, critique, faible, avec un ou deux élans de courage, c'était Amaury de Crayencour, irrésistible. Caroline, jalouse, revancharde, fourbe, sarcastique, limite godiche, c'est Kim Schwark, délurée. Mais le personnage vraiment central, celui sur lequel repose non seulement l'histoire, mais aussi le gros du jeu, c'est la Mort : elle chante, elle danse, multiplie les voix, les cascades, son rôle, subtil, souple, d'une grande variété d'émotions, oblige le comédien à passer d'une expression à une autre en deux-deux … bref, un vrai one (dead) man show, qui nous était servi par un Jérôme Rodrigues magnifique. Alors, Les Cahiers du Rire ont tenté une petite vidéo ici pour vendre le spectacle ... disons qu'au moins, elle te permet de voir Olivier (l'auteur-metteur-en-scène-qui-joue-Franck-aussi-des-fois), Kim et Jérôme. L'esprit, c'est un peu celui de la vidéo : jeux de mots, comique de situation, amateurisme de façade ... mais dans la pièce, les répliques sont beaucoup BEAUCOUP plus percutantes.
Si je t'attrape, je te mords MORT !
une comédie d'Olivier Maille
Théâtre des Blancs-Manteaux
rue des Blancs-Manteaux, Paris 4e
Jeudi, vendredi et samedi
19h30
info/résa :
01 48 87 15 84