Il a tout compris.
Tu le vois, ce regard bleu ? La photo est un peu romantique, c'est vrai. Et les couleurs sont peut-être un peu retouchées. Mais lui, regarde-le. Regarde-le bien. Je te présente Alexis Michalik. Musicien classique ? Chanteur lyrique ? Chef étoilé ? Non.
Pendant des années, Michalik est passé relativement inaperçu du grand public. Ciné, télé, théâtre : seuls les habitués (et les cougars) ont retenu son nom. Question de talent ou de contexte ? Va savoir. Toujours est-il que son nom doit sortir du lot. Il le doit, parce qu'il y a quelquechose d'unique et de grand qui se profile. Et que passer à côté de Michalik serait une grave erreur.
Je ne te parle toujours pas de son air de jeune premier à faire palpiter les coeurs sensibles, non. Je te parle de ce qui est lové dans ta tête, dans ses mains, dans son coeur : son talent. Quel talent ? Il écrit, le garçon. Bien. Très bien. Et il met en scène merveilleusement. C'est pas qu'il soit superlativement créatif, non, mais c'est intelligent, c'est fin, c'est sensible, c'est juste... juste.
Michalik est l'auteur d'une des pièces dont j'entends parler - depuis que j'y fais attention - dans les termes les plus élogieux qui soient : Le porteur d'histoire. Tout commence il y a quelques semaines dans un village perdu d'Algérie, mais peut-être que tout commence dix ans plus tôt dans un village perdu de France, ou au siècle dernier, dans les palais parisiens, ou il y a mille ans, ou peut-être avant. L'histoire, elle relie une destinée illustre à des destinées anonymes, ou l'inverse. C'est l'histoire qui dessine le personnage, ou peut-être l'inverse. je n'arriverais pas à te résumer. Une histoire qui relie d'autres histoires, en quête des origines, avec ses mystères et ses incertitudes, mais qui s'insère au coeur de l'Histoire, de la Grande Peste à l'Algérie coloniale, avec humour, avec gravité, avec passion... avec talent.
Sur scène, cinq tabourets, cinq spots. Un par un, trois hommes et deux femmes viennent prendre place, sans rien dire, ils nous regardent, nous assis dans la pénombre. Dès lors que le premier entre dans son histoire, les lumières changent, les décors bougent, les costumes s'inventent. Le texte est habité, les acteurs également. Ils sont capables de tout jouer. Les personnages de passage, ceux qui n'auront qu'une réplique, qu'un geste ou qu'une expression, comme ceux qui, là du début à la fin, devront tout jouer, tout ressentir, tout exprimer. Le casting est donc ciselé, même si les noms ne parleront pas au plus grand nombre : Amaury de Crayencour (dont j'avais déjà parlé ici) troublant dans la diversité de son jeu, Evelyne el-Garby Klai, à l'émotion vibrante - j'en frissonne encore ! -, Magali Genoud, dont la pureté éclaire davantage la pièce, Eric Herson-Macarel, qui emporte toute cette histoire dans sa frénésie, qui transmet son âme à l'édifice, et Régis Vallée, discret porteur de forces venues d'ailleurs...
Lumières partout ou douches qui isolent, ambiances sonores, musiques discrètes mais redoutablement efficaces (signées Manuel Peskine), la scénographie tissée par Michalik himself transcende le jeu de ses comédiens. On semble toucher aux tréfonds d'une histoire qui nous traverse tous.
En plus d'attiser ta faim d'en savoir plus, de connaître la suite - cette pièce maîtrise le cliffhanger - Le porteur d'histoire joue avec tes émotions, et te fait ressortir grandi, plus fier, avec une envie de conquête de ton passé, de ton présent et de ton futur qui devrait être remboursé par ton psy.
Merci Vincent !